Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «Le théâtre oranais s'exporterait bien mieux s'il y avait une véritable stratégie de promotion du 4ème art en Algérie.» C'est, en substance, ce que soutient Mohamed Mihoubi, homme de théâtre (passionné de théâtre, préfère-t-il), à la tête de la troupe El Amel depuis près de 34 ans. «De nombreuses troupes amateurs oranaises se sont produites à l'étranger, dans des pays arabes et occidentaux, et ont suscité l'enthousiasme du public. Il reste que ces expériences ont été réalisées individuellement ou grâce à des canaux associatifs, et non pas dans un cadre plus formel, tels les échanges culturels qui aplanissent un certain nombre de difficultés», indique-t-il. Un cadre officiel comme celui qui va permettre à la troupe de Mohamed Mihoubi de se produire dans plusieurs salles françaises, grâce notamment à l'invitation du Centre culturel algérien (CCA). «Le directeur du CCA, Yasmina Khadra, nous a invités pour présenter la pièce Algérien et fier début avril et nous devons également nous produire à Montpellier dans le cadre des échanges culturels qui lient cette ville à Oran. Par ailleurs, nous sommes attendus à Lyon et dans d'autres villes mais les dates ne sont pas encore arrêtées», dira-t-il. Mohamed Mihoubi - dont la troupe El Amel a déjà été primée à plusieurs reprises lors de festivals de théâtre amateurs en France ou au Maroc - compte un certain nombre de one-man-show qui ont défrayé la chronique à Oran et ailleurs, comme Nar fi imaratna (Incendie dans notre immeuble) qui traite de la question du terrorisme, Allô Président, Coulisses, El jenna oua nar (le Paradis et l'enfer) et d'autres encore que la télévision algérienne a filmés. «L'ENTV en a filmé huit mais, pour des raisons qui m'échappent, elle ne les a pas encore diffusés», ajoute notre interlocuteur en évoquant d'autres travaux en chantier : «J'ai plein d'idées en tête et je ne serai satisfait que lorsque je les aurai concrétisées. Le fait est que le théâtre est une pente qu'il faut gravir continuellement, malgré les embûches et les handicaps.» C'est ainsi que cet infatigable bosseur des planches appelle les troupes de théâtre à ne pas baisser les bras devant l'adversité : «A leur création, beaucoup d'entre elles se sont distinguées par la qualité prometteuse de leur travail, mais elles n'ont malheureusement pas fait long feu à cause d'une institution sclérosée et du mépris des autorités. Il faut libérer les énergies si l'on veut rendre au quatrième art algérien ses lettres de noblesse.» D'autres jeunes artistes tiennent le même discours depuis de longues années mais sans arriver encore à infléchir les dirigeants qui continuent de brider la création. Ce qui a conduit un certain nombre d'entre eux à rendre les armes et emprunter des chemins différents et d'autres à redoubler d'effort pour réaliser leurs rêves. C'est le cas de Mihoubi mais aussi de Lardjem Kheireddine, jeune metteur en scène et leader de la troupe El Ajouad, qui est parvenu à se produire dans différents théâtres, en Europe comme en Afrique. «Nous n'avons pu compter que sur nous-mêmes. Ni l'Etat ni les anciens du théâtre ne nous ont aidés», a coutume de rappeler Lardjem.Imaginons un instant que l'Etat algérien décide de s'impliquer, sérieusement et durablement, dans la relance du quatrième art, d'apporter son aide à Mihoubi, à Lardjem et aux milliers de passionnés de théâtre (ou de musique, cinéma, dessin…) à travers le territoire national, et de canaliser l'énergie et la soif de créer qui courent dans leurs veines… Cela constituerait probablement un lourd chantier, qui nécessiterait de grands sacrifices humains et financiers, mais produirait certainement des générations d'artistes qui rayonneraient aux quatre coins de la planète.La chose s'est vue ailleurs, il n'y pas de raison que ça ne marche pas chez nous.