La contestation populaire de Mouammar Kadhafi se poursuit alors que le pays est plongé dans un chaos indescriptible. L'est de la Libye n'est plus désormais sous le contrôle du pouvoir en place. La province libyenne de Cyrénaïque est «un territoire libéré», selon les opposants au régime. Les journalistes, qui ont pu entrer en Libye par sa frontière avec l'Egypte confirment que la situation est chaotique et que le pouvoir central a perdu le contrôle d'une partie du pays. Dans la ville de Tobrouk, le mouvement anti-Kadhafi contrôle la région qui s'étend jusqu'à la frontière égyptienne. Mardi soir, le Guide libyen, au pouvoir depuis 42 ans, a promis dans un discours surréaliste de rétablir l'ordre, menaçant d'un bain de sang, et appelant ses partisans à lui exprimer leur soutien en descendant dans la rue partout dans le pays. Le discours télévisé de plus d'une heure a accentué la pression et fait souffler un vent de panique sur tout le pays. Face à la gravité de la situation, l'Union européenne s'est dit prête à évacuer 10 000 de ses ressortissants, notamment par la mer. Les groupes pétroliers ont commencé à faire de même. La répression sanglante a été condamnée de toutes parts. La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a demandé au dirigeant libyen de cesser de «menacer son peuple». L'Union européenne est sur le point de décider de sanctions à l'encontre de Kadhafi et de sa famille. Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU tiendra demain une session spéciale sur la situation en Libye, à la demande de l'UE. Il s'agira de la première session spéciale de cette instance consacrée à l'un de ses membres. Le Pérou a annoncé la suspension de «toute relation diplomatique avec la Libye tant que ne cessera pas la violence contre le peuple». La ministre espagnole des Affaires étrangères a déclaré que Kadhafi a «perdu toute légitimité» en décidant de «bombarder ses propres citoyens». Selon des câbles diplomatiques obtenus par WikiLeaks et publiés par le Financial Times, Mouammar Kadhafi a bâti un vaste empire financier, source de sérieuses disputes entre ses enfants. Le système Kadhafi craquelle. Le ministre de l'Intérieur, Abdel Fatah Younes, s'est rallié à la révolution, après celui de la Justice, qui avait démissionné. Plusieurs diplomates libyens en poste à l'étranger, rejoints par l'ambassadeur d'Indonésie, ont également fait défection. Mais c'est la volte-face des deux derniers membres du groupe des «officiers libres», artisan du renversement de 1969, qui aura son importance dans l'avenir du régime Kadhafi. Le colonel représentant de la Libye à la Ligue arabe et le général Aboubakr Jaber Younes, chef de l'armée depuis 30 ans, ont lâché Kadhafi. Il y a également le cas de Abderrahmane Chelgham, ambassadeur de Libye aux Nations unies, actuellement porté disparu. Il est l'un des principaux artisans du rapprochement de la Libye avec l'Occident. Abdelmouneim Al Houni dira que Mouammar Kadhafi est «pire» que l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein. «Je crois que c'est une question de quelques jours, pas plus. Malheureusement, je pense en même temps que ça coûtera cher à la Libye et aux Libyens, car cet homme est capable de tout», a dit Al Houni dans une interview au quotidien londonien Al Hayat. «Je pense que des massacres horribles se produiront», a-t-il ajouté, écartant l'éventualité d'une guerre civile dans le pays. Pour Al Houni, le colonel Kadhafi a tranché : «Soit il tue, soit il est tué.» M. B.