Même si certains de ses points, quelque peu flous, peuvent donner lieu à des interprétations élastiques, la résolution 1973 a été rédigée sur la base de l'article VII de la Charte des Nations unies qui autorise l'emploi de la force légale. Et même si on pouvait discuter l'indignation démocratique sélective de la communauté internationale, représentée par son noyau dur franco-anglo-américain, qui intervient en Libye sans en faire autant contre d'autres dictatures arabes, tout aussi implacables, force est de constater que les forces alliées ont outrepassé le mandat de l'ONU.En ne se limitant pas à l'instauration d'une no fly zone, objectif principal de la résolution 1973, la coalition militaire internationale viole, dans l'esprit comme dans la lettre, la décision en question. D'ailleurs, l'amiral Michael Mullen, le plus haut gradé de l'armée américaine, a reconnu que «la première phase des frappes aériennes a permis d'instaurer une zone d'exclusion aérienne». En même temps, la première vague de frappes a ciblé la défense antiaérienne et des blindés près des lignes des opposants au régime. Poursuivre alors les frappes, c'est persister dans le déni du droit international. Et c'est bien le cas lorsque la phase deux de l'opération Odyssey Dawn prévoit d'attaquer les lignes de ravitaillement de l'armée libyenne pour affaiblir ses capacités à se battre.Après la Russie, la Chine, l'Allemagne et l'Inde qui ont pris leurs distances, c'est au tour de la Ligue arabe, caution régionale de l'intervention des alliés occidentaux, de souligner le dépassement du mandat onusien. Hier, la coalition militaire occidentale, rejointe sur la pointe des pieds par le Qatar, montrait quelques signes de fissuration. Des pays européens ont, en effet, émis, après la Ligue arabe, des doutes sur la conformité des bombardements avec la résolution 1973. L'Italie ne veut pas d'une guerre contre la Libye alors que l'Allemagne estime qu'il y a des risques majeurs. Certes, la résolution 1973 ne prévoit pas explicitement l'envoi de troupes au sol. Mais elle est écrite en termes si ambigus qu'elle peut permettre le débarquement militaire en Libye, si d'aventure les frappes à partir des airs et de la mer ne parvenaient pas à provoquer la chute du colonel Mouammar Kadhafi, objectif essentiel mais non avoué de l'opération Odyssey Dawn. Le texte autorise le secrétaire général de l'ONU à «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaques en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen». L'ambiguïté réside donc dans la formule «toutes les mesures nécessaires» sans autres précisions. La formulation ne s'applique pas à la création de la zone d'exclusion aérienne, elle concerne, implicitement mais de manière claire, le sol, le territoire. Ce qui explique le fait que les alliés aient jugé nécessaire de détruire préalablement la défense antiaérienne, les systèmes de communication et les centres de commandement avant l'instauration de la zone d'exclusion aérienne. CQFD.Et si l'on pouvait avoir des doutes, comme lors du lancement des opérations, samedi dernier, celui-ci est levé avec l'annonce par l'Union européenne de sa disponibilité à mobiliser des «moyens militaires à but humanitaire». Le but serait de sécuriser des convois, des couloirs et des sites humanitaires qui subiraient une menace ou un empêchement militaire. Si l'on devait intervenir militairement sur terre, on ne s'y serait pas pris autrement. N. K.