Il convient, en effet, encore une fois, de revenir sur l'incroyable veulerie des Nations unies incapables, ou plutôt mises dans l'incapacité, d'appliquer leur propre charte fondatrice. S'il y a aujourd'hui un consensus parmi les juristes internationaux - y compris américains et britanniques - c'est bien la qualification de «guerre d'agression» la guerre que la coalition américano-britannique mène contre l'Irak. Une agression que toutes les résolutions de l'ONU et, mieux encore, sa Charte, condamnent fermement. En effet, l'article pivot de la Charte des Nations unies dispose que la mission première de l'Organisation des Nations unies est de «maintenir la paix et la sécurité internationales» comme elle doit «réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix». La définition des missions imparties à l'ONU est on ne peut plus claire. Plus, le 18 mars 2003, la veille de l'invasion par les troupes coalisées de l'Irak, la commission juridique de l'ONU à Genève, enfonce le clou, avertissant qu'«une attaque sans mandat du Conseil de sécurité serait illicite et constituerait une guerre d'agression». L'ONU disposait donc de tout un arsenal juridique pour, à tout le moins, faire valoir son autorité morale et mettre en garde les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, contre un comportement se situant en droite ligne avec celui d' «Etat voyou», notion vulgarisée par Washington qui s'en est servi pour menacer des Etats, s'octroyant, en sus, le droit de porter des jugements de valeur sur des Etats membres des Nations unies. Non seulement l'ONU est, curieusement silencieuse, jusqu'à ce jour, -dix-neuvième, de l'attaque perpétrée contre l'Irak - mais n'a pris aucune initiative à même de calmer les faiseurs de guerre américains, en convoquant en session urgente le Conseil de sécurité afin d'étudier la situation induite en Irak par l'agression anglo-américaine et le moyen d'y mettre un terme. Rien n'indique, en fait, que le Conseil de sécurité se penchera jamais sur cet aspect spécifique et combien problématique de l'agression d'un Etat membre de l'ONU contre un autre Etat membre de ce même organisme. Cela d'autant plus que l'article 2, alinéa 4, de la Charte de l'ONU est bien précis qui dispose: «Les Etats membres de l'ONU s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale de tout Etat...». Il semble bien que devant le cynisme et l'arrogance du nouveau pouvoir américain, qui se met en place en excluant la communauté internationale, l'ONU a choisi d'abdiquer ses droits et ses compétences, en ne prenant pas sur elle de faire respecter, y compris par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, une Charte aujourd'hui piétinée par ceux-là mêmes qui, au titre de membres permanents, étaient censés la défendre et la protéger. Au lieu de quoi, dans la perspective de la redistribution des rôles, l'ONU donne, en revanche, l'impression d'accepter celui qui lui sera dévolu par les nouveaux maîtres du monde, en planchant sur l'aspect humanitaire de l'après-guerre, les questions politiques et sécuritaires relevant de la seule autorité de Washington. De fait, logiquement, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, pouvait affirmer que, étant donné que ce sont les Etats-Unis qui ont provoqué et font la guerre en Irak, c'est à eux qu'échoit la reconstruction du pays, la distribution des parts dans cette reconstruction ne concernant alors que ceux qui se sont battus en Irak: les Etats-Unis! -Toutefois, le Conseil de sécurité, qui s'est réuni récemment, pour discuter de l'après-guerre en Irak et de la reconstruction du pays, n'a pas profité de cette opportunité pour se ressaisir en exigeant l'ouverture d'abord du débat sur le manquement grave à la Charte de l'ONU commis par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Au lieu de quoi ce sont ces deux pays qui menaient le débat imposant l'ordre du jour des discussions. Un avilissement de plus pour une organisation qui n'a cessé de jouer, depuis la chute du bloc soviétique, les paravents pour une hyperpuissance, qui ne cache plus son dessein hégémonique sur le monde. Dès lors, pour que la communauté internationale sache à quoi s'en tenir, il ne reste - à l'instar du sort réservé en 1946 à la Société des nations (SDN) - qu'à dissoudre l'ONU, une institution qui n'est plus représentative des attentes de ses Etats membres d'une part et, d'autre part, pour que le jeu politique et diplomatique international ne soit plus parasité par les faux semblants d'une ONU au ser-vice de la paix et de la sécurité internationales, car la guerre en Irak a sonné le glas de cette mission essentielle qui était celle des Nations unies.