La situation en Libye continue d'être confuse et indécise. Alors que sur le terrain la bataille de Ajdabiya bat son plein, sur le plan diplomatique les positions des différents protagonistes tanguent au rythme des batailles le long de la bande nord du pays. L'annonce par la Turquie d'une «feuille de route» pour la Libye est accueillie avec circonspection. Pourtant, le plan de trois points stipulant l'instauration immédiate d'un cessez-le-feu, la création d'«espaces humanitaires sûrs» pour apporter de l'aide au peuple libyen et le lancement immédiat d'un «processus de vaste transformation démocratique» vers des «élections libres» paraît tenir la route. De son côté, l'Otan a réfuté hier toute idée d'«impasse» politique ou militaire en Libye et préféré parler de situation «mouvante» pour expliquer la difficulté de sa tâche. L'Otan refuse de présenter ses excuses pour avoir encore bombardé des troupes rebelles. Le général Carter Ham, chef du commandement américain pour l'Afrique, avait estimé, jeudi dernier à Washington, qu'une véritable impasse se profilait en Libye. Il est vrai que la situation sur le terrain reste très complexe. Une réunion du groupe de contact sur la Libye devrait avoir lieu la semaine prochaine au Qatar, avec la participation du secrétaire général de l'Otan. Le scepticisme quant à un cessez-le-feu est de mise. Le cafouillage de l'Otan, la désorganisation persistante des insurgés et la résistance du régime Kadhafi, toujours en place alors que la révolte a éclaté le 15 février, convergent vers une situation laborieuse. Le conflit s'éternise dans ce «va-et-vient» le long de l'autoroute côtière entre les villes de Brega et d'Ajdabiya, dans l'est du golfe de Syrte. L'Otan semble avoir du mal à choisir ses cibles dans un environnement complexe. Les aviateurs alliés avaient bombardé la veille, près de Brega, des chars appartenant aux rebelles libyens. Le bombardement a tué deux soldats dans les rangs des insurgés et un ou deux médecins, outre 14 blessés et six disparus. C'est la deuxième fois que l'Otan tire sur des colonnes d'insurgés depuis qu'elle a pris, le 31 mars, le relais de la coalition après une cacophonie occidental remarquée. Le 1er avril, dans cette même région, à l'est de Brega, un raid aérien de l'Otan avait tué neuf insurgés et quatre civils qui circulaient en convoi. Le conflit tend à s'installer dans le temps. Les combats autour du port pétrolier de Brega rythment l'actualité de ce pays désormais déchiré. Le régime Kadhafi, qui s'est dit il y a quelques jours prêt au dialogue si la rébellion dépose les armes, se mure dans le silence alors que l'Otan avait affirmé que 30% des capacités militaires libyennes ont été détruites. Abdelati Obeidi, nouveau chef de la diplomatie libyenne, tente une sortie du régime Kadhafi avec le minimum de dégâts. Les insurgés accusent l'Otan de «laisser mourir» les habitants de Misrata. L'Otan promet sa protection, l'Onu demande une trêve et une première cargaison de pétrole sous contrôle insurgé quitte la région de Tobrouk. Le déchirement de la Libye suit son cours. M. B.