Hier, au lendemain d'une fusillade au cours de laquelle au moins quatre manifestants anti-gouvernementaux ont été tués et plusieurs dizaines d'autres blessés par les forces de sécurité syriennes et des hommes armés proches du régime, selon des militants des droits de l'Homme, les soldats syriens sont entrés dans la ville côtière de Banias et ont pris position autour de bâtiments et de carrefours stratégiques. L'armée a déployé 17 chars autour de la ville et coupé l'électricité, selon un militant des droits de l'Homme qui a affirmé que «l'armée tire épisodiquement pour provoquer les gens afin qu'ils ripostent mais aucun manifestant n'a tiré. Des appels depuis les minarets des mosquées exhortent l'armée à cesser ses tirs». De son côté, l'agence officielle Sana a annoncé que, dimanche dernier à l'aube, cinq personnes ont été blessées par balle devant une mosquée de Banias et quelques heures après, neuf militaires ont été tués, dont deux officiers, et plusieurs soldats blessés, dans une embuscade sur une route près de cette ville. Ainsi, les violences se poursuivent en Syrie, de même que les accusations de part et d'autre mettant en avant la thèse d'un complot extérieur et celle de l'usage de violence par le régime d'Al Assad. Les défenseurs des droits de l'Homme affirment mordicus que les forces de sécurité syriennes répriment dans le sang les manifestations. Ils imputent au régime la mort de 26 manifestants, vendredi dernier à Deraa, et celle de deux autres le même jour dans la province de Homs. Selon eux, les forces de sécurité et la police «ont dispersé des rassemblements pacifiques dans un certain nombre de provinces syriennes en usant d'une violence excessive et injustifiée». L'un des militants a même affirmé hier que «trois soldats ont essayé de rallier les manifestants après avoir refusé de tirer mais leurs supérieurs leur ont tiré dessus et ils ont été blessés». Un des chefs de file des manifestants à Banias, Anas al-Shouhri, a affirmé de son côté que «les sbires du régime et les forces de sécurité ont pris position dans le quartier d'Al-Qoz à Banias, d'où ils tirent sur nos quartiers. Trois des morts d'hier ont été tués par des snipers. Ils ont aussi tiré sur l'armée pour la pousser à riposter contre nous. Il y a des morts et des blessés parmi les militaires visés par les tirs des forces de sécurité et des sbires du régime». Il a accusé les sbires du régime de «vouloir provoquer des troubles confessionnels, mais nous sommes des manifestants pacifistes et n'avons rien contre les Alaouites», la communauté dont est issu le président syrien. De son côté, le militant des droits de l'Homme, Abdel Karim Rihaoui, a fait état de l'arrestation dans la nuit à Banias de deux proches de l'ancien vice-président syrien Abdel-Halim Khaddam, entré en dissidence et qui vit en exil à Paris depuis 2006. «Ahmad Moussa et Mohammad Alaa Bayati ont été arrêtés à Banias. Ces deux adjoints de M. Khaddam seraient responsables de l'organisation des protestations et des bandes armées dans cette ville», a affirmé M. Rihaoui. A signaler qu'hier dix organisations des droits de l'Homme ont demandé la formation d'une commission d'enquête sur les affrontements sanglants à Banias. Elles ont demandé la formation d'une commission d'enquête indépendante, neutre et transparente formée notamment de représentants d'ONG syriennes pour sanctionner ceux qui sont à l'origine de ces violences. Le régime de Bachar Al Assad crie, pour sa part, aux «comploteurs» et aux «saboteurs» qui auraient ouvert le feu sur les habitants et les forces de sécurité et a affirmé officiellement sa détermination à «faire face» aux groupes armés. Le gouvernement allemand a condamné hier les violences commises par les forces de sécurité contre des manifestants, qu'il a jugées «révoltantes» et «consternantes». La France a également «condamné» les violences meurtrières en Syrie et exhorté Damas «à renoncer immédiatement à l'usage de la force contre les manifestants». La Syrie est la proie de contestations du pouvoir depuis le 15 mars dernier. Le week-end dernier, des manifestations violentes ont fait plus d'une trentaine de morts, notamment à Deera et Banias malgré les promesses de réformes du régime du président Bachar Al Assad. H. Y.