Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Les entreprises algériennes évoluaient dans un contexte de protection et de faible pression du marché. Elles n'ont pas eu à tenir compte des règles de performance et d'efficacité. L'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE) en septembre 2005 révélera vite leur faible compétitivité. Les programmes de mise à niveau, mis en œuvre par les pouvoirs publics, visent à préparer les petites et moyennes entreprises dans la perspective d'une plus grande ouverture de l'économie avec l'instauration prochaine d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne et l'adhésion prévisible à l'OMC. Les entités privées constituent la composante majeure des PME, et bon nombre d'entre elles sont en position de passivité ou réalisent de faibles taux de croissance. Leur remise à flots, et parfois leur pérennité, passe par la réalisation d'investissements de modernisation. Mais leur situation présente ne leur permet pas de postuler aux programmes publics de mise à niveau qui exigent naturellement de meilleures prédispositions. Une minorité d'entreprises sont cependant considérées performantes : situation financière satisfaisante, organisation et management très modernes, position compétitive sur le marché. Elles se présentent en candidates idéales aux programmes publics de mise à niveau. Afin d'illustrer cette situation, prenons l'exemple de Béjaïa. Au cours des trois dernières années, le nombre de PME a progressé de 13% à travers la wilaya. La direction locale de la PME, se référant aux statistiques de la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS), recense aujourd'hui 12 643 entreprises privées, dont près de 12 000 de très petite taille. Parmi les 643 entités de dimension moyenne, seules 22 sont inscrites au nouveau programme de mise à niveau mis en branle par le gouvernement pour leur permettre de maîtriser les technologies de l'information et de la communication (TIC), soit une infime proportion de 3,5%. Les patrons de cette catégorie d'entreprises manifestent naturellement une forte adhésion à cet appui public de mise à niveau avec l'ambition affichée d'élargir leur part sur le marché domestique et éventuellement conquérir des marchés à l'extérieur par l'exportation ou le partenariat. Les économistes estiment, toutefois, que l'impact de ces programmes de modernisation lancés par l'Etat algérien ou en collaboration avec des partenaires étrangers (Euro-Dev PME, PNUD) reste faible. «Cette faiblesse est aggravée par le fait qu'une mise à niveau est indispensable pour la majeure partie des PME algériennes», soulignent Mokhtar Khelladi et Lynda Mimoun, professeurs d'économie à l'université de Béjaïa, dans une étude consacrée à ce thème. «La difficulté de la mise à niveau provient, au plan macroéconomique, de l'environnement des entreprises industrielles privées qui n'est pas propice au renforcement de la compétitivité des entreprises et à leur développement : accès difficile au crédit bancaire, problèmes relatifs au domaine foncier industriel, lourdeur et lenteur des formalités administratives, insuffisance du système d'information et concurrence des “entreprises” de l'économie informelle», expliquent-ils. Pour revenir toujours au cas de la wilaya de Béjaïa, le bâtiment se taille la part du lion des immatriculations avec 3 129 entreprises offrant 14 000 emplois, suivi de l'agroalimentaire avec 508 entités et 3 641 emplois. En matière d'embauche, le secteur économique privé totalise 42 485 salariés et les entreprises publiques 1 812 travailleurs. Les agences locales de l'Andi et de l'Ansej ont, sans conteste, boosté la création d'entreprises. Afin de doper cette dynamique et d'assurer le développement de ces entités créées, les jeunes investisseurs réclament plus de souplesses administratives, l'accès aux crédits et au foncier. Les investisseurs locaux préconisent, par exemple, l'ouverture d'une antenne du Fonds de garantie des crédits (FGAR) qui ne couvre aujourd'hui que 26 entités parmi les 12 643 existantes. Sur les 16 zones d'activités industrielles et commerciales (ZAI et ZAC) que compte la wilaya, seules trois sont réellement en service (Béjaïa, Akbou, El Kseur). La viabilisation et l'entretien de ces trois zones opérationnelles sont bien en deçà des attentes. Dans un récent courrier au wali, les opérateurs de la ZAI d'El Kseur se plaignent de la «dégradation totale des voies d'accès, la détérioration des réseaux d'assainissement, l'absence de l'éclairage public, les avaries récurrentes du réseau d'alimentation en eau potable et l'absence de gaz de naturel». Les mêmes doléances sont aussi exprimées par les entrepreneurs installés à Béjaïa ou à Taharacht et Halouane, dans la région d'Akbou. Avant de parler de mise à niveau, il va falloir penser à mettre en place un environnement adéquat. Les treize autres sites qui peinent à devenir réellement opérationnels (Tala Hamza, Toudja, Fenaïa, Illmaten, Seddouk, Souk El-Thenine, Remila, Toudja, Boudjelil, Taourirth Ighil, etc.) nécessitent des investissements autrement plus lourds pour leur viabilisation.