C'est lundi dernier qu'a été inaugurée à l'institut Cervantès d'Alger l'exposition «Geoart de l'Autre» de l'Algérienne Djahida Houadef et de l'Espagnole Marga Riera. Le public, en nombre assez important, a pu apprécier les quatorze toiles de l'artiste espagnole, dont la plupart ont déjà été présentées à Alger, et les six toiles inédites de Djahida Houadef. Cette exposition, présentée comme une «expérience des regards croisés sur les deux rives méditerra-néennes», se veut d'abord un témoignage de l'amitié liant les deux artistes. Et c'est un visuel contrasté de deux styles expressifs et authentiques.Ainsi, Marga Riera, grâce à ses pérégrinations à travers l'Algérie, principalement dans le Sud algérien, réussit à saisir des figures qu'elle suspend, voile, dans un jeu musical de lumières, de couleurs ocre et boisées. Figure masculine comme dédoublée dans Mirador interior où l'intensité du regard des deux hommes, la grotte immémoriale, rupestre, d'où ils paraissent surgir, invitent à l'introspection. Figures féminines en mouvement dans Femenino Plural, le jeu des mains - motif récurrent chez l'artiste - accentuant la transe des Targuies, révélant chez Marga Riera une acuité et une compréhension profonde de cet univers. Mains laborieuses dans Trabajo, parées de mille motifs dans Las manos de la novia, appliquées dans Imzad. Dans son tableau La Kahina, l'artiste représente le personnage historique d'une manière tout à fait surprenante : elle le fait accéder au rang de mythe. Une amazone et sa bête peintes dans des tons roux, jaunes, marron. Guerrière au glaive à moitié visible, mais dont le bouclier comme lunaire est prépondérant, faisant de ce tableau la vision d'une protection toute féminine. Outre le motif humain, Margarida Riera travaille le lieu et la matière. Passages vertigineux et ouvertures mystérieuses sur des issues de clarté dans Hacia la luz. Dégradé de couleurs sur les marches, les perrons de l'attente, marquant le passage du temps dans Esperando.Djahida Houadef, quant à elle, toujours avec l'exceptionnelle vibration chromatique qu'on lui connaît, choisit de rendre hommage à son amie. Témoignage subtil dans La Guerrière de Mataro (ville natale de Margarida Riera). Une imposante madone semble régler le mouvement de la ville, où les ombres des femmes aux fenêtres, palabrant dans la lumière orange du couchant ont l'air d'évoquer avec légèreté la litanie giratoire des voitures. Un des tableaux les plus impressionnants de l'exposition s'intitule Sagrada Familia. Une représentation onirique de la célèbre basilique du même nom à Barcelone. Edifice que l'artiste représente dans une dense pénombre marine où deux mystérieux reptiles s'improvisent gardiens de ce temple expiatoire, chef-d'œuvre du modernisme catalan. Les motifs végétaux et organiques ne manquent pas chez Djahida Houadef, quoi de plus naturel pour elle que de représenter dans Fenêtres sur la maison d'os La Casa de los huesos ou maison des os de Barcelone de l'architecte Antoni Gaudi. Edifice «organique» sans lignes droites, qu'elle peint avec un mélange déroutant de vert, de jaune et de bleu, accentuant ainsi l'aspect vivant de cette maison. Ou alors, le tableau Flamenco, clin d'œil à son amie, la férue de cet art. Une danseuse de rouge vêtue qui, comme la «rose au milieu des flammes» de l'Andalou Ibn Arabi, baigne dans le jaune brûlant d'un été de fleurs. Une œuvre tout en sensualité dans ses lignes.Le deux femmes, en choisissant une exploration émotionnelle et visuelle de la sensibilité de chacune feront sans doute vibrer plus d'un.Les public algérois pourra profiter de cette exposition jusqu'au 23 mai 2010. Les œuvres seront ensuite présentées le 13 juin à Tlemcen dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». F. B.