L'escalade de la violence en Bolivie, qui a fait pas moins de huit morts jeudi, prend de plus en plus l'allure d'une crise diplomatique régionale. La décision du président Hugo Chavez d'expulser l'ambassadeur des Etats-Unis du Venezuela, par solidarité avec La Paz, a non seulement bouleversé la donne mais dessiné aussi les prémices d'une vraie crise régionale. L'expulsion de l'ambassadeur des Etats-Unis à Caracas, Patrick Duddy, est la deuxième en 48 heures d'un chef de mission diplomatique américaine en Amérique du Sud, après la décision mercredi du président bolivien Evo Morales de déclarer persona non grata l'ambassadeur américain à La Paz, Philip Goldberg. Des mesures d'expulsion qui ont coïncidé avec une multiplication des violences dans le pays, où huit personnes ont été tuées jeudi dans des heurts entre partisans du gouvernement de gauche et militants de l'opposition libérale qui manifestent en soutien à plusieurs gouverneurs provinciaux autonomistes, hostiles à la politique d'Evo Morales. M. Morales, le premier président autochtone de l'histoire du pays, avait accusé mercredi l'ambassadeur des Etats-Unis d'encourager une division de la Bolivie. Le gouvernement bolivien emboîte le pas à son Président et l'accuse aussi de fournir une aide financière aux opposants de droite via l'USAID, l'Agence américaine pour l'aide au développement. Le gouvernement a été surtout irrité par une récente rencontre entre l'ambassadeur américain et le gouverneur de Santa Cruz, Ruben Costas, le plus farouche opposant libéral au président Morales. Washington a aussitôt réagi en expulsant, par réciprocité, l'ambassadeur de Bolivie aux Etats-Unis. «Allez au diable, yankees de merde», a lancé M. Chavez, bête noire de Washington et allié politique d'Evo Morales, en annonçant l'expulsion dans les 72 heures de l'ambassadeur des Etats-Unis au Venezuela. M. Chavez a également menacé de suspendre les exportations de pétrole vers les Etats-Unis si ces derniers poursuivaient leur politique de menaces. M. Chavez a également assuré sa disponibilité à prêter son aide à Evo Morales s'il se trouvait menacé. L'opposition conservatrice bolivienne accuse régulièrement Cuba et le Venezuela d'avoir envoyé en Bolivie des militaires camouflés en coopérants civils ou médicaux. En Bolivie, de violents affrontements se sont déroulés jeudi non loin de Cobija, dans la région de Pando dans le nord, entre partisans du président Morales et opposants, faisant au moins huit morts et une dizaine de blessés. Dans plusieurs régions, les manifestants anti-gouvernementaux se sont emparés de bâtiments publics. Devant ces désordres persistants, le chef de l'Etat a averti l'opposition que «la patience avait des limites», tandis que le gouvernement dénonçait une «menace de guerre civile» de la part de «groupes fascistes», particulièrement à Santa Cruz, le moteur économique du pays, mais aussi le bastion de l'opposition libérale. Des manifestants ont aussi interrompu partiellement la fourniture de gaz naturel au Brésil et à l'Argentine, les pays voisins, en fermant les vannes d'un gazoduc et en provoquant une explosion dans une station de pompage. Evo Morales, tenant de l'anti-libéralisme, est confronté depuis des mois à la fronde de cinq des neuf gouverneurs des provinces boliviennes qui refusent un projet de Constitution qualifiée d'«étatiste et indigéniste». Ce projet doit être soumis à un référendum le 7 décembre. Cinq gouverneurs, sur neuf, réclament la reconnaissance de statuts d'autonomie régionale, déclarés illégaux par le gouvernement. G. H.