De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Le procès très attendu de l'affaire «Sonatrach-Safir», impliquant d'anciens dirigeants du groupe Sonatrah tels que Abdelhafid Feghouli et Mohamed Meziane, a finalement eu lieu hier au Pôle pénal spécialisé de l'Ouest. Les deux accusés et leurs compagnons Mekki Henni, directeur études et développement aux activités Aval, Tedjini Nechnech, directeur général de Safir, et Benamar Touati, ancien P-DG, aujourd'hui à la retraite, de Cogiz, filiale de Sonatrach spécialisée dans la commercialisation des hydrocarbures, devaient répondre des chefs d'accusation de passation de contrats contraires à la réglementation et de dilapidation des deniers publics.Il leur était particulièrement reproché d'avoir scindé le projet de construction du centre de stockage et de conditionnement de l'azote à Arzew et Laghouat en deux parties, dont seule la première - celle concernant l'importation de bacs de stockage - était passée par l'avis d'appel d'offres (le contrat a été remporté par les Indiens d'Inox India). L'autre - celle portant sur l'étude et la réalisation du centre de stockage - avait été confiée à la société algéro-française Safir, sans passer par l'avis d'appel d'offres : «Pourquoi avoir recouru au gré à gré, alors que vous saviez parfaitement que la formule est exceptionnelle et que l'appel d'offres est la règle dans la passation des marchés publics ?» ne cessait de demander la présidente du tribunal.Dans leurs réponses, les prévenus ont été unanimes : le choix de la formule de gré à gré, au lieu de l'appel d'offres dans le contrat signé avec la société algéro-française Safir, était justifié, d'une part, par l'urgence de réaliser rapidement le centre de stockage et de conditionnement de l'azote et, d'autre part, parce que, techniquement, l'azote est un gage de sécurité dans les installations industrielles et que l'Algérie, qui n'en disposait pas, allait devoir en importer. «La décision A-408 R15 (décision portant directive de la passation des marchés de fournitures, de travaux, de fournitures et montage d'installations et de services physiquement quantifiables, adoptée par Sonatrach en 2004, ndlr) nous impose l'accord du P-DG, la sécurité et l'urgence comme préalables pouvant autoriser le recours au gré à gré. Or, c'est précisément de cela qu'il était question dans le contrat avec Safir», ont insisté les accusés en soulignant qu'il aurait été plus laborieux et plus long de recourir à l'appel d'offres, alors que la société algéro-française avait les capacités et les compétences pour prendre en charge la construction du centre de stockage pour un coût payable en dinars (660 millions de dinars). «Si l'on avait opté pour la seconde solution, nous aurions encore perdu 17 mois et peut-être financé le projet en euro», a affirmé l'ancien vice-président de l'activité Aval de Sonatrach, Abdelhafid Feghouli. L'avocat de la partie civile, en l'occurrence la Sonatrach, s'est révélé d'un grand secours pour les accusés puisqu'il a déclaré que «Sonatrach n'a subi aucun préjudice et que les dix bacs du centre de stockage fonctionnaient normalement, le projet devant être réceptionné en juillet prochain». Il a même expliqué que le retard de six mois accusé n'est pas attribuable à Safir, mais au paiement par crédit documentaire imposé par la loi de finances complémentaire 2009 : «Ce n'est donc pas la faute de Safir et, je le répète, Sonatrach n'a subi aucun dommage.»Pour le représentant du ministère public, les explications des accusés n'étaient pas convaincantes et l'argument de l'urgence pour justifier le choix porté sur Safir ne tient pas la route. «Toute la procédure est contraire à la décision A-408 R15, les accusés ont violé la loi des marchés publics», a-t-il affirmé en se satisfaisant du rappel des déclarations des accusés durant toutes les étapes de l'enquête (qu'ils ont d'ailleurs maintenues devant la présidente). Le jeune procureur - qui s'est aliéné le collectif de la défense par des propos jugés outrageants par les avocats - a requis six années de réclusion contre Abdelhafid Feghouli, Mohamed Meziane et Benamar Touati et quatre ans contre Mekki Henni et Tedjini Nechnech. Ces condamnations ont toutes été assorties d'une amende de un million de dinars.Dans l'après-midi, les avocats se sont succédé pour défendre leurs mandants et prouver leur bonne foi dans la gestion du contrat passé avec Safir. Un contrat qui, ont-ils insisté, ne viole en rien la réglementation. «Il est grave que des cadres et des P-DG de ce niveau soient emprisonnés sur la base d'un dossier pareil», a notamment déploré Me Brahimi en affirmant que ce dossier n'a rien de judiciaire : «Tout dans cette affaire est politique.» Au moment où nous mettons sous presse, le procès a été mis en délibéré.