La parole du président de l'Assemblée populaire nationale, hiérarque du FLN, est rare et pondérée. Deux bonnes raisons de l'entendre donc lorsqu'elle est disponible. Surtout lorsque M. Abdelaziz Ziari exprime une préférence en matière de choix politiques qui engagent le devenir de la nation. Avec une constance de jardinier patient, ce gastro-entérologue, qui connaît bien la sociologie culturelle du régime, dit tout le bien qu'il pense du système semi-présidentiel et monocaméral. A ses yeux, comme du point de vue de son parti, qui est probablement celui de «ceux qui nouent et dénouent» le fil de la décision dans le pays, ce système «est actuellement le plus approprié». Peut-être, demain aussi. En comparaison, le système parlementaire «représente un danger car il concentre tout le pouvoir entre les mains d'un Premier ministre élu par des assemblées élues». A terme, c'est-à-dire «sur les 30 à 40 prochaines années, ce système sera nocif pour l'Algérie car la carte politique actuelle produira un régime régionaliste et arouchien». Comprendre : le système parlementaire, apparu pour la première fois en Suède en 1718, à une ou à deux chambres, aboutit parfois à une paralysie des institutions et au blocage de la vie politique. Comme c'est le cas, par exemple, en Belgique et en Italie où, de majorités politiques introuvables en crises politiques cycliques, ces deux pays deviennent parfois ingouvernables. Le risque d'ingouvernabilité et d'instabilité politique, périlleuse pour l'harmonie sociale et l'unité nationale, notamment pour un pays à structure tribale, est bien réel. C'est vrai. Pourtant, il n'y a pas de relation mécanique de cause à effet. Abdelaziz Ziari a certes raison - ses raisons aussi - de l'agiter comme épouvantail mais il y a autant d'avantages et d'inconvénients qu'il y a de façons de construire et de faire vivre un système parlementaire. Bicaméral ou à une seule chambre, ce régime dépend en partie de l'organisation territoriale faiblement ou fortement décentralisée, des choix en matière de représentation des citoyens (système et découpage électoraux) et des rapports entre les deux chambres du Parlement et entre les pouvoirs exécutif et législatif. Ces relations diffèrent d'un pays à un autre. Ainsi, en France et en Allemagne, la chambre basse a-t-elle la prépondérance en matière décisionnelle sur la chambre haute, tandis qu'en Italie le Sénat et l'Assemblée ont des pouvoirs équivalents. Quand il décline sa prédilection pour le régime semi-présidentiel et avoue tout le mal qu'il pense du système parlementaire, y compris pour le régime d'assemblée où le pouvoir exécutif est le commis de l'assemblée unique, Abdelaziz Ziari pense vraisemblablement au modèle français conçu par le général de Gaulle et conceptualisé par le constitutionnaliste Maurice Duverger. Il s'agit dans ce cas d'un régime semi-présidentialiste qui reprend les caractéristiques de l'édifice parlementaire et du système présidentiel. Dans cette organisation mixte, il existe, en théorie, des moyens de révocabilité mutuelle entre le législatif et l'exécutif. On ignore toutefois si le président de l'APN réfléchit à ce parlementarisme rationnalisé dont on connaît certaines formes sous la Vème République française et dont on trouve meilleure illustration en Grande-Bretagne. Lorsqu'il conseille d'opter pour un régime semi-présidentiel, il exprime alors toute son exaspération à l'égard du Conseil de la nation, Sénat aux pouvoirs théoriques exorbitants. Il s'agit là d'une anomalie bien algérienne qui confère préséance et prépondérance à une institution élue pour partie au suffrage indirect et désignée pour le reste par le président de la République. Au détriment, bien sûr, de l'Assemblée, bénéficiant, elle, au contraire, de l'onction du suffrage universel. Dans notre monde rural où on file volontiers la métaphore animalière, on dit de pareille situation que «c'est l'âne qui monte son maître» et honni soit qui mal y pense ! On dit aussi dans ces contrées où on cultive le bon sens comme on plante de solides oliviers, qu'«on étale ses jambes en fonction des dimensions de sa couverture». Dans la bouche du général de Gaulle, cette sagesse est traduite par «la Constitution, c'est un esprit, les institutions, une pratique». Autrement dit, dans un cas comme dans l'autre, c'est ce que les Hommes en font. Et on a bien vu, en France, comment le régime présidentiel hérité de la Constitution de 1958, sous la pratique sarkozyste, s'est transformé en système bonapartiste à forts accents cesaristes. Où le Parlement a été effeuillé comme un artichaut, cédant beaucoup de son pouvoir face à un président omniprésent, omnipotent et omniscient. Comme quoi, l'esprit, c'est bien, mais la pratique, c'est mieux. N. K.