Le théâtre a toujours du mal à (re)conquérir un public. C'est là une vérité qu'aucun responsable ne saurait démentir.Ce constat fait, ces mêmes responsables devraient s'atteler à sa réouverture vers la société. Le festival national du théâtre professionnel qui se déroule au cœur d'Alger, est, à ce titre, l'occasion rêvée pour faire sortir le 4ème art du bâtiment imposant qu'est le TNA et qu'il aille prendre l'air du temps et le pouls de la rue.Mais à voir les barrières qui entourent la place sur laquelle trône le théâtre, on comprend que ce n'est pas le festival de la ville mais un festival dans la ville. Ces barrières matérialisent la frontière dressée entre le théâtre et les habitants du quartier. Et ce n'est guère une image où quelques barrières symboliseraient la séparation de deux mondes censés communiquer. C'est bel et bien un hiatus réel et observable.Dans la place, «protégés» par les barreaux et la présence de policiers en nombre, les festivaliers, de l'autre coté des barrières, les jeunes du quartier, qui n'osent pas braver l'interdit. Evidement, ils voient d'un mauvais œil ces «intrus», et surtout «intruses» qui occupent leur place et leur café, le Tantonville. Ils ne savent pas que ces comédiens et comédiennes sont de leur monde, qu'ils vivent les mêmes drames, la même précarité et les mêmes incertitudes, que eux aussi, ils attendent les lendemains qui chantent, tant de fois promis, et que leur seul espace de liberté est cette scène pour laquelle ils, et surtout elles, ont tout sacrifié.Comment peuvent-ils le savoir quand des barrières sont dressées entre eux ? Comment peuvent-ils savoir ce qu'est le théâtre quand les portes du bâtiment ne s'ouvrent que pour les badgés ?Les organisateurs du festival ne peuvent pas prétexter la sécurité pour justifier cet «emprisonnement» du théâtre et des comédiens. Une présence policière suffirait largement à imposer l'ordre sur la place. Au contraire, ce qu'il faut, ce n'est pas seulement enlever les barrières mises en place, mais aussi abattre celles invisibles qui se sont dressées entre le 4ème art et la société. Et pour ce faire, il n'y a qu'un seul moyen, et Larbi Ben M'Hidi ne nous en tiendra pas rigueur si on le paraphrase en disant : «Jetez le théâtre à la rue, le peuple s'en emparera et le portera.» Au lieu de s'enfermer dans une place, coupé de son milieu originel, qu'est-ce qui empêche le festival d'irradier dans le quartier. Les organisateurs ne peuvent-ils pas signer des conventions avec les cafés du coin pour y organiser des débats, des rencontres et même des représentations ? Qu'un jeune croise le théâtre au bas de son immeuble, et il n'aura aucun mal ni complexe à aller vers ceux et celles qui le font. Ils apprendront à parler le même langage et à se comprendre, même s'ils ne sont pas d'accord. C'est à ce travail, qui n'a jamais été fait, que les organisateurs et tous les responsables devraient s'attacher, et non à dresser des barrières là où elles ne doivent aucunement exister. Car des barrières d'exclusion peuvent finir par produire des barricades. H. G.