De notre correspondant à Constantine Nasser Hanachi La culture d'un jour prime à Constantine. Pourtant, ce ne sont pas les programmes que proposent les différents organismes culturels qui manquent. Les affiches n'ont guère d'impact. La défection indéniable du public demeure inexplicable. A moins que «les gens» soient devenus insensibles à l'événement culturel. «On essaye de toucher à tous les goûts. Hélas ! l'affluence du public demeure le talon d'Achille des spectacles», reconnaît le responsable d'un organisme culturel à Constantine. Y a-t-il moyen de ressusciter cette envie de se payer un billet et de faire la file en attendant le moment d'entrer dans une salle pour apprécier un spectacle ? On ne peut même pas prétexter la cherté du billet. On a vu des manifestations proposées à titre gracieux et gratuit boudées par le public. Ce qui amène à dire que la problématique est autre qu'une poignée de dinars. Certes, la prolifération du multimédia a quelque peu contribué à la baisse de la fréquentation des salles de spectacles. «La généralisation de l'utilisation du PC a dispersé la foule», dira un responsable. Mais cette «dispersion» est valable pour tout type de «nourriture spirituelle». Librairies, manifestations littéraires, théâtre sont aussi délaissés par la population. Le public tourne le dos à la plupart des expressions culturelles. Au point où les quelques «fidèles» spectateurs passent pour des «énergumènes». La culture à la recherche de promoteurs imaginatifs Pour certains, ce sont les programmes proposés qui en sont la cause. Obsolètes, déjà-vu, redondants, ils n'attirent plus personne. Aussi, pour espérer reconquérir le terrain perdu, les responsables et animateurs devront-ils faire preuve d'imagination, avoir une autre vision qui devra coller beaucoup plus à l'actualité. En clair, il faut innover pour faire renaître l'engouement dans la sphère du lectorat, du cinéphile, du mélomane… Et c'est le travail des artisans de l'événement et des créateurs. Pour d'autres hommes de culture, le désintéressement exprimé vis-à-vis des manifestations organisées par les institutions culturelles et des autres lieux de savoir est lié au facteur socioéconomique peu reluisant dans lequel se démène cette classe dite «culturelle». Les arts dans toutes leurs formes d'expression sont relégués au second plan, si ce n'est encore plus bas. Pour leur part, les entreprises culturelles ont un grand rôle à jouer en composant avec les artistes et le monde culturel actif. L'activité culturelle doit être omniprésente afin de revivifier la scène. Et quand cette dernière vibrera sans relâche, elle finira par attirer le public, surtout si elle offre un menu diversifié qui satisferait tous les goûts. Il faut donc changer et activer pour faire revivre la culture. Mais ce n'est pas aussi simple dans un microcosme qui considère l'événement culturel comme une fin en soi et ne se soucie guère de l'environnement, de l'impact et de l'avant et l'après-événement, comme un hit d'été, un petit tour et puis s'en vont. Les citoyens que l'on a accostés estiment que la nouveauté dans l'acte culturel fait cruellement défaut à Constantine. «Ce sont les mêmes sujets qui reviennent, avec de nouvelles maquettes et de nouveaux habillages seulement. Au fond, on n'est pas encore sorti de l'auberge», dira un étudiant. C'est un vaste chantier de mise à niveau qui s'impose. Il faut regarder la réalité en face, reconnaître certaines vérités et tirer les constats qui s'imposent avant de prétendre redonner à la culture la place qu'elle mérite. Mais cette perspective n'est pas prise à sa juste valeur. La culture d'un jour prime à Cirta. Pourtant la surcharge des programmes est perceptible à longueur d'année. Le citoyen n'est pas attiré par ce qu'on lui propose. Il connaît la chanson et le refrain. Quelle politique culturelle pour quel objectif ? Evidemment, la responsabilité du désert culturel qui prévaut sur les scènes et dans les salles de spectacles qui ne rendent plus aucun écho est imputée en partie aux responsables qui font l'impasse sur une donne fort importante : la communication et la promotion efficaces. Les relais qui sont censés s'en charger demeurent inertes et ne font rien pour donner à la culture une socialisation optimale. Une affiche, une diffusion radiophonique annonçant la tenue de tel événement ou telle manifestation ne suffisent pas pour ameuter du monde. Le message n'atteint en fait que les personnes qui sont déjà au courant alors que le large public demeure dans l'expectative, bien qu'il soit le baromètre par excellence de la réussite ou non d'un événement proposé. Mais il semble bien que ce qui importe, ce n'est pas l'impact, mais juste l'organisation de l'événement qui justifiera la subvention allouée. Quant aux échos, on se suffira de l'autosatisfaction en cercle restreint. Et tant que les subventions sont dispatchées sans obligations de résultat, cette situation perdurera au grand dam de la qualité des produits, et le désintérêt du public persistera et s'élargira. La démission se fait sentir, en témoignent les journées sur Malek Haddad qui se sont ouvertes mardi dernier. Peu de monde était venu rendre hommage à l'écrivain. Un peu moins que l'année dernière qui a vu un théâtre régional pratiquement vide aux derniers jours de la manifestation. Cette situation devrait assurément donner à réfléchir aux responsables locaux qui devraient songer à changer leur fusil d'épaule et se mettre résolument à la recherche des méthodes et moyens adéquats pour attirer, voire constituer, un public. Ils devraient garder en tête que ce n'est que lorsqu'ils verront les gens se bousculer pour avoir leur part de culture qu'ils pourront dire qu'ils ont bien travaillé et, surtout, réussi. Le terme innovation revient souvent sur les lèvres des hommes de culture constantinois, surtout ceux que la culture institutionnelle a éclipsé parce qu'ils refusent de cautionner des avatars de culture. La recomposition de la scène culturelle pour réveiller le réflexe du consommateur chez la population est aujourd'hui une nécessité impérieuse. Il faut réveiller l'envie de voir un film, de lire un ouvrage, d'admirer un tableau, d'apprécier un spectacle, de découvrir un art, en somme de se cultiver. Et souvent, il suffit d'un rien, un zest d'imagination, un petit effort pour que la magie opère. Artistes et responsables ont la capacité de fournir cet effort; ne manquent que la volonté et la foi dans l'importance de la culture dans le développement de l'individu et de la société.