De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les organismes publics renouent au fur et à mesure depuis une dizaine d'années avec leur traditionnel planning concocté au profit des activités culturelles. C'est un condensé de programmes qui défile dans les wilayas du pays. Sans tenir compte du nombre d'affiches, des activités culturelles sont organisées tout au long de l'année, même si c'est de façon sporadique et quelque peu aléatoire. Les autorités locales ont repris, depuis une décennie, en main, l'animation culturelle, avec la prétention de mettre le pays au diapason de ce qui se fait ailleurs dans le monde en termes d'offres culturelles dans tous les domaines et disciplines artistiques, littérature, musique, théâtre. Mieux, des efforts sont déployés pour élargir les horizons culturels grâce aux métissages et aux échanges entre les cultures et ce, pour initier les populations à la nourriture de l'esprit. Parallèlement, on travaille à la sauvegarde et la promotion des patrimoines culturels locaux et nationaux. En fait, il s'agirait de rattraper le temps perdu durant ces années noires durant lesquelles le terrorisme avait déclaré la guerre à tout ce qui pouvait éveiller l'esprit, obligeant ainsi les créateurs, les artistes et tous les hommes de culture à museler leurs muses ou à s'expatrier s'ils voulaient exister et continuer de produire. Malheur à celui qui osait parler d'émancipation de l'esprit, d'ouverture de la pensée ou simplement de vie, avec toutes ces productions de génies créatifs qui l'enrichissent.Aujourd'hui le terrorisme est vaincu, pour le plus grand bonheur des populations qui cautérisent les plaies qu'il a laissées. Et, heureusement, la culture est toujours là. Elle n'a jamais abdiqué devant la bête immonde et ne s'est jamais complètement tue. Animateurs et responsables de la culture ont maintenu des espaces, des plages qui ont permis à des hommes et femmes de dresser des mots, des images, des tableaux ou des pièces théâtrales contre ce terrorisme aveugle qui avait condamné à mort le verbe et l'esprit. Aujourd'hui, si l'ouverture du champ événementiel et culturel s'est concrétisée, c'est grâce à une frange d'intellectuels algériens qui n'ont pas abdiqué et ont dénoncé, aussi bien en Algérie qu'ailleurs, la tentative d'assassinat de la culture et des arts. Ils ont mené un long combat pour la préservation de la culture et ont réussi non seulement à la faire revivre dans le pays, mais aussi à la faire découvrir dans le monde. Mais gagner la bataille contre le terrorisme n'est pas gagner la guerre contre la médiocrité qui a profité de la vacuité de la scène culturelle pour s'y implanter. La bataille à mener aujourd'hui est celle du perfectionnement et de la qualité en matière de choix qui devrait répondre aux aspirations du large public. La disproportion est tangible, mais elle peut être équilibrée -à moindre coût de surcroît- si les décideurs revoient la donne artistique et culturelle dans son contexte authentique : l'impact social qui, pour qu'il opère, a besoin de toutes les potentialités créatives. Programmes culturels cherchent public A première vue, la scène culturelle est assez agrémentée et bien animée. Des tonnes de livres, des supports pédagogiques, des films piratés ou téléchargés sur le Net inondent les différents étals. S'y ajoutent les spectacles organisés par les offices de la culture et les entreprises événementielles qui complètent le tableau. Mais à bien y regarder, les événements sont «disparates». Les exemples sont légion ces dernières années à Constantine. Et si la curiosité du public est loin d'être satisfaite complètement, l'audience, qui est le baromètre de toute activité ou proposition, demeure pourtant en deçà des attentes des pouvoirs publics en matière d'impact. Si bien que la soif de l'artiste, de l'étudiant ou de l'autodidacte n'est pas étanchée. «Effectivement, on ne se plaint pas en ce qui concerne le nombre d'ouvrages disponibles. Mais le problème est que nous ne trouvons pas ce que nous cherchons», dira un lecteur que nous avons rencontré dans une librairie à la recherche d'un ouvrage que vraisemblablement il n'arrivait pas à trouver. Ce qui nous amène à dire que, dans les cercles des officiels, les commandes et programmes sont effectués en déphasage avec la demande effective. En effet, si l'on se réfère aux produits et prestations proposés, d'une part, et au désir des citoyens, de l'autre, on ne peut que constater le décalage.A l'évidence, la scène culturelle locale ne satisfait pas toutes les attentes. Loin s'en faut. La majorité des personnes ne s'intéressent que peu aux programmes culturels qui sont proposés. Combien de spectacles ont été organisés avec un minimum de spectateurs ! Les organisateurs ou animateurs qui peuvent se vanter d'avoir organisé une manifestation ayant enregistré un «guichets fermés» se comptent d'une main amputée de trois doigts.En ce qui concerne les spectacles et rencontres-débats, la Direction de la culture maintient sa cadence en voulant pérenniser le club du mardi qui traite de sujets différents. Mais, là aussi, il faudrait marquer une halte et revoir la copie. Bien des fois la salle était presque vide. La ville s'apprête à accueillir le Festival international du malouf à partir du 23 octobre prochain. Combien de Constantinois inscriraient ce festival dans leur programme de sorties ? C'est à toutes ces questions qu'il faut apporter des réponses avant de penser à élaborer des programmes et financer des activités qui, au final, n'intéresseront qu'une frange de la population. La vie culturelle n'est pas dans l'abondance des programmes mais dans leur qualité.