L'Algérie fait encore partie des pays à surveiller pour le trafic d'êtres humains, selon le dernier rapport sur la traite des personnes du Département d'Etat américain. Elle est dans le club des 23 Etats recensés pour n'avoir pas atteint «le niveau minimum de protection» contre l'esclavagisme. Y sont pointés son manque de bonne volonté, son laxisme ou encore sa passive complicité. C'est ainsi que l'Etat algérien «ne se conforme pas pleinement» et «ne fait pas d'efforts significatifs» en matière de prostitution de femmes et d'enfants, d'exploitation des travailleurs noirs et de mineurs. Le compte-rendu l'y invite à promulguer une loi anti-traite, alors même que l'article 5 du code pénal interdit toute forme de trafic humain. Le rapport ne dit pas si l'Algérie doit mieux faire mais suggère - ce qui est plus grave - qu'elle ne fait pas ce qu'il faut. A ce propos, Farouk Ksentini, chargé de mission du pouvoir pour les droits de l'Homme, aura beau pousser des cris d'orfraie en jugeant «infondé» le rapport, le constat accusatoire n'en est pas moins sérieux. Fondé ou pas, il interpelle les Algériens et leur offre l'opportunité d'un autre regard sur eux-mêmes. L'Algérie, terre de transit et, à un degré moindre, de destination d'une immigration clandestine issue d'Afrique subsaharienne a, en effet, un rapport historique particulier avec l'altérité noire africaine. L'irruption brutale de l'immigration négro-africaine reformule cette question, celle d'une altérité nouvelle mais déjà ancienne. Le Noir a une place préalablement forgée et assignée. La traite esclavagiste, noire ou blanche, pratiquée au Maghreb et plus de dix siècles de commerce transsaharien ont structuré une représentation du Noir construite sur le sentiment de supériorité et d'inégalité foncières. Aujourd'hui encore agissent les mêmes constructions mentales, historiquement sédimentées, qui déterminent les attitudes et expliquent l'existence de certaines formes de domesticité. Ou encore de travail au noir s'apparentant à des formes d'esclavagisme. Qu'il s'agisse de travail ou de résidence, les lieux d'accueil des Noirs sont des espaces de relégation. Dans le Grand Sud, ils sont exilés dans les confins désertiques ou aux marges des villes, comme à Tamanrasset. Les migrants noirs sont soumis à l'aléatoire, à l'arbitraire et à des conditions de séjour très précaires. Aux tracasseries policières et au chantage des employeurs, s'ajoute le racisme au quotidien qui a parfois de violentes tonalités. Sans oublier la xénophobie et l'intolérance ordinaires ainsi que l'absence de protection, sous toutes formes, de la part des autorités. Ils sont reconduits alors sans ménagement aux frontières où on les laisse livrés à eux-mêmes. Chassez l'atavisme esclavagiste, il reviendra au galop ! L'africanité, surtout quand elle a les traits négroïdes, est une dimension stratifiée dans la culture algérienne. Elle a aussi ses mots, marqueurs d'une mentalité raciste et racialiste : kahlouche, nigrou batata, Bambara, Bamboula, babaye, saligani, ‘abd et hartani. Aujourd'hui même, des garçons noirs sont vendus pour le prix d'un sac de dattes, parfois comme jockeys de dromadaires, à des milliardaires des EAU. Alors M. Ksentini, cherchez l'erreur ! N. K.