Il est clair que le contexte algérien actuel a permis l'émergence d'une faune de prédateurs qui profitent de la situation des plus démunis. Dans son rapport annuel au Congrès sur la traite des personnes dans le monde, dont l'édition 2006 a été rendue publique le 5 juin, le département d'Etat place deux Etats d'Afrique, le Malawi et le Maroc, en tête des pays qui font le plus d'efforts pour combattre la traite des personnes, tout en situant l'Algérie dans une inconfortable «liste de veille». Ainsi, le Maroc et le Malawi ont reçu les éloges du département d'Etat des Etats-Unis pour les progrès qu'ils ont réalisés au cours de l'année écoulée en matière de lutte contre la traite des personnes, et épinglent curieusement l'Algérie, qu'ils placent au niveau de pays comme Djibouti et le Kenya, c'est-à-dire dans la liste des pays qui montrent des signes de défaillance évidents dans leur politique vis-à-vis de ce sujet. Le département d'Etat évalue les efforts que déploient les gouvernements étrangers en vue d'éliminer ce fléau de la société. Le rapport répartit les Etats en quatre catégories en fonction des mesures qu'ils prennent pour combattre la traite, pour traduire en justice les criminels et pour soutenir et assister les victimes. Les Etats qui satisfont aux critères établis par la loi de 2000 sur la protection des victimes de la traite sont placés dans la catégorie 1. La catégorie 2 comprend les Etats qui ont démontré leur volonté de faire face à leurs problèmes mais n'ont pas encore satisfait aux normes internationales. La «liste de veille» de la catégorie 2 englobe les Etats qui donnent des signes de défaillance, tandis que les Etats qui ne font guère d'efforts sont placés dans la catégorie 3. En dépit du manque de ressources, le Malawi a accompli de grands progrès, en particulier en vue de traduire en justice les trafiquants et d'informer le public des formes multiples que peut prendre la traite des personnes. Avec l'aide de donateurs étrangers, le Malawi a produit 10.000 affiches et 20.000 brochures et les a distribuées dans les écoles, les bureaux de l'assistance sociale, les hôpitaux et les associations de jeunes afin de mieux sensibiliser le public. Le Maroc, selon Michelle Austein, rédactrice du Washington File, satisfait, quant à lui, pleinement aux normes internationales minima relatives à la lutte contre la traite des personnes. Selon le rapport, sa coopération internationale dans ce domaine «reflète la détermination absolue des pouvoirs publics à faire face à ce problème». C'est ainsi qu'en février, les autorités marocaines ont démantelé un important réseau international qui se livrait à la traite et au passage transfrontalier clandestin de personnes originaires d'Inde. Elles ont arrêté 70 suspects, dont un policier. Le Soudan et le Zimbabwe ont été épinglés pour l'insuffisance de leur action en matière de lutte contre la traite des personnes. Bien que le Soudan ait fait, dans un premier temps, des progrès dans plusieurs domaines, «la plupart de ses efforts n'ont pas été soutenus», indique le rapport. Par exemple, durant la guerre civile qui vient de se terminer, des adultes et des enfants ont été contraints à se joindre à des groupes armés. Afin d'améliorer leur bilan, les pouvoirs publics soudanais doivent prendre des mesures pour assurer la protection des victimes de toutes les formes de traite et retirer les enfants soldats des groupes armés. Le Zimbabwe, pour sa part, a manifesté «peu de volonté politique» en vue de faire face à ses problèmes de traite durant l'année écoulée, affirme le rapport. Les enfants font l'objet d'une traite interne qui les place en servitude soit comme ouvrier agricole, soit comme domestique, soit aux fins d'exploitation sexuelle. Attirées par des offres trompeuses d'emploi ou de bourse, des femmes et des jeunes filles du Zimbabwe se rendent à l'étranger, où elles tombent sous la coupe de trafiquants. Pour améliorer sa lutte contre la traite, le Zimbabwe doit renforcer ses lois et lancer une vaste campagne de sensibilisation, indique le rapport. Ont été placés dans la «liste de veille» de la catégorie 2 les Etats suivants, entre autres: l'Afrique du Sud, l'Algérie, Djibouti, l'Egypte, la Guinée Equatoriale, le Kenya, la Libye, la Mauritanie, la République Centrafricaine et le Togo. Evidement, cette classification est largement contestable, et on peut estimer que l'Algérie n'est pas sans reproche sur ce sujet-là, mais un coup d'oeil sur les rapports annuels de la police et de la Gendarmerie nationale peut pousser à plus de retenue dans la classification américaine. Annuellement, ce sont des milliers de personnes qui sont arrêtées aux frontières sud pour immigration clandestine, qui reste à la base de la traite des personnes, pour proxénétisme, prostitution, travail au noir, abus sur mineurs et toute la panoplie des délits qui constitue la large gamme des violations des droits des personnes. Il est clair que le contexte algérien actuel a permis l'émergence d'une faune de prédateurs qui profitent de la situation des plus démunis. Et dans ce domaine, il est vrai qu'il y a des choses malsaines à dire. Ou à cacher.