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Une indépendance difficile à gérer par le gouvernement de Juba Abyeï, les ressortissants sud-soudanais au Nord, les problèmes ethniques et la réforme constitutionnelle
Les Sud-Soudanais ont eu ce qu'ils voulaient : l'indépendance. Maintenant, les autorités de Juba, la capitale du Sud-Soudan, devront retrousser les manches et se mettre au travail. Le pays ne dispose d'aucune infrastructure routière et ce qui fait office de capitale administrative et politique n'est qu'un vaste amas de taudis. Autrement dit, tout est à faire au Sud-Soudan où 80% de la population est analphabète et 90% des habitants vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les pays occidentaux qui ont pressé, directement ou indirectement, les autorités de Khartoum à laisser le libre choix aux Sud-Soudanais de décider de leur avenir, se sont engagés à apporter leur aide matérielle et financière aux dirigeants de Juba pour entamer les travaux de construction du plus jeune Etat du monde. Des questions demeurent toutefois en suspens et les négociations autour de certains points sont encore à mener avec le gouvernement du Nord, sous l'égide des Nations unies et de l'Union africaine. La question de la délimitation de la future frontière entre le Nord et le Sud-Soudan n'est toujours pas réglée. Pour résoudre ce contentieux, il faudra d'abord attendre ce que vont décider les habitants de l'enclave d'Abyeï, située entre les deux Etats. Un référendum populaire était prévu, dans cette région riche en pétrole et en gaz naturel, à la même date que celui organisé au Sud-Soudan en hiver dernier,mais il a été reporté à la dernière minute par Khartoum qui a averti Juba contre toute velléité d'annexer cette région. A quelques jours de la proclamation officielle de l'indépendance du Sud-Soudan, des affrontements ont eu lieu à Abyeï entre l'armée soudanaise et des membres du Mouvement de libération du sud-soudan (SPLM, l'ex-rébellion) et se sont soldés par 200 morts, selon l'Onu. Cette enclave est peuplée par les Dinka, l'ethnie majoritaire du Sud-Soudan, mais aussi par les nomades Misseriya (nordistes) qui s'y installent pour la saison de transhumance durant six mois. Les deux gouvernements n'ont donc pas l'intention de lâcher Abyeï où sont produits actuellement plus de 500 000 barils de pétrole par jour. Le partage de la richesse pétrolière, au cœur du problème, ne sera pas résolu de sitôt, estiment de nombreux analystes. L'accord de paix global (CPA) signé en 2005 entre Khartoum et Juba, stipule en fait un partage moitié-moitié du brut pendant six ans. Les deux gouvernements auront ainsi le temps de négocier un tracé précis de la frontière et de la gestion de la manne pétrolière. A noter que les deux oléoducs qui acheminent le pétrole brut pour l'exportation traversent le Nord et Khartoum contrôle les raffineries. Outre la question d'Abyeï, il faudra aussi résoudre un sérieux problème concernant le sort des Sud-Soudanais vivant au Nord. Les deux gouvernements se sont donné un délai de quatre ans, pour assainir la situation des milliers de personnes qui doivent régulariser leur position vis-à-vis des deux administrations civiles. Le Nord a déjà entamé les démarches administratives pour établir un nouveau fichier civil, a indiqué le ministère de l'Intérieur à Khartoum. Aussitôt l'indépendance du Sud-Soudan proclamée, voilà que des problèmes apparaissent au risque de compromettre l'avenir de ce nouveau pays. Conflits et luttes internes À la veille de la cérémonie de proclamation de cette indépendance, le parlement sud-soudanais, majoritairement contrôlé par le SPLM du président Silva Kiir, a adopté le projet de réforme constitutionnelle transitoire qui n'a toutefois pas suscité l'adhésion de toute la classe politique locale. L'opposition, issue d'autres minorités ethniques, a crié au scandale et accusé le président et son parti de vouloir instaurer un Etat autocratique. Le président Silva Kiir s'était engagé dans son discours du 9 juillet à respecter la diversité culturelle et religieuse, mais la réalité semble refléter le contraire de ses propos et déclarations d'intention. Les premiers couacs de cette difficile période de transition sont déjà apparus au lendemain de l'installation de la commission chargée d'élaborer le texte du projet de la réforme constitutionnelle. Le SPLM a, en fait, failli à son engagement. Au lieu de dix membres, (issus de toutes les tendances politiques et religieuses) la commission s'est retrouvée avec une cinquantaine de membres dont une majorité appartient au parti au pouvoir. Vient ensuite le contenu de cette réforme qui a imposé une période de transition de quatre ans, alors que l'opposition réclame de la réduire à deux ans au maximum. Les opposants estiment que le SPLM a peur des élections.La constitution transitoire a supprimé la limitation des mandats présidentiels à deux quinquennats, ce qui est dénoncé par l'opposition qui voit dans cette disposition, une volonté du premier président du Sud-Soudan, Silva Kiir, de ne pas lâcher les rênes du pouvoir et d'exclure ainsi toute possibilité d'alternance à la tête du nouvel Etat. Une autre disposition dans le texte de la constitution transitoire donne le plein pouvoir au président de limoger son gouvernement et de dissoudre les assemblées élues. Le chef de l'Etat se réserve aussi le droit de désigner 60 députés dans l'assemblée nationale. Un autre vice dans la constitution transitoire. Aucune date n'a été fixée pour l'organisation des élections générales. En plus des problèmes purement politiques, que Silva Kiir doit résoudre pour concrétiser une indépendance difficile, le président sud-soudanais fait également face au risque d'une rébellion armée dans son propre pays. Il existe au Sud-Soudan au moins sept groupes rebelles armés et soutenus par l'extérieur, sur le plan financier et logistique. Connu pour être un fin négociateur, Silva Kiir aura la difficile mission de convaincre les chefs de ces groupes rebelles à déposer les armes et à prendre part à la vie politique du pays. Le président sud-soudanais a déjà proposé une amnistie générale pour tous les hommes armés, lors de son discours du 9 juillet. Mais il faudra encore du temps pour savoir si les rebelles accepteront sa proposition ou non. Les nouvelles autorités de Juba n'ont pas d'autre choix que de jouer la transparence et l'équité dans la gestion des affaires du pays. Un défi pas du tout facile à relever. L. M.