Il est en passe d'égaler le record de longévité au poste de son père, l'incomparable cheikh Hamza Boubakeur qui fut recteur de la Grande mosquée de Paris durant 25 ans. Certes, il en faut beaucoup plus à Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris et président de la fédération éponyme en France, pour battre celui de Si Kaddour Benghabrit, l'Algérien du Maroc, premier recteur qui demeura à son poste pendant 32 ans. Le temps semblait ne pas avoir de prise sur cet érudit incomparable, maître des langues, imam respecté et à la compétence religieuse reconnue. Dalil, originaire des Ouled Sidi Chikh, né à Skikda le 2 novembre 1940, est, lui, victime de l'usure du temps et de la politique. Son influence sur l'Islam en France est proportionnelle à la confiance placée en lui par les autorités françaises et algériennes. Les premières l'ont coopté au CFCM, le Conseil Français du Culte Musulman, les secondes le soutiennent à bout de bras et à coup d'euros généreusement distribués. Médecin et homme de lettres plutôt qu'ouléma ou jurisconsulte musulman, Dalil Boubakeur, né algérien, est d'avantage français qui prêche souvent ses idées à droite même s'il entretient des amitiés à gauche. Sans être gauche, l'homme, fin, finaud, retors et tout en rondeurs, sait où trouver les soutiens politiques et l'argent, souvent des dinars convertis en euros. Président du CCMF, le Conseil Consultatif des Musulmans de France, mis en place par l'ancien ministre de l'intérieur socialiste Pierre Joxe, l'homme, qui a plusieurs cordes à son arc de médecin reconnu par ses confrères, est du genre à cultiver l'œcuménisme. Membre de la Commission Consultative des Droits de l'Homme en France, il est aussi membre éminent de la Fraternité d'Abraham. Il est également président de la Fondation du Dialogue Interreligieux basée au duché du Luxembourg et, par ailleurs, membre de l'Académie des Sciences d'Outre Mer Paris. Eclectisme de bon aloi, qui permet notamment à cet ancien élève des lycées Bugeaud (Emir Abdelkader d'Alger) et Louis-le-Grand à Paris de disposer de bonnes entrées et d'oreilles bienveillantes au CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. Capable de réfléchir sur la bioéthique comme sur le hallal et le haram (le licite et l'illicite) ou encore sur les Dix Commandements, le recteur, qui sait arrondir les ongles et prôner le dialogue et la modération à toute épreuve, sait se faire distinguer parmi les méritants de la république française. Comme son père, dont le burnous de député des Oasis durant l'occupation coloniale de l'Algérie était bardé de décorations, Dalil Boubakeur est tout aussi décoré. Il est successivement Chevalier de la Légion d'Honneur (1995), Médaillé en vermeil de la ville de Paris (1996), Officier dans l'Ordre National du Mérite (2002) et Officier de la Légion d'Honneur (2004). A force de privilégier les réseaux transversaux, au détriment du travail de proximité et de l'élargissement de l'assise territoriale de la FGMP, la Fédération de la Grande Mosquée de Paris qu'il préside, son influence s'est effritée peu à peu. Et, partant, celle de l'Algérie qui s'est progressivement érodée. Alors même que la FGMP n'est présente que dans 8 régions de France sur 22, il a perdu la présidence du CFCM où il ne dispose plus que de 2 sièges octroyés par les autorités françaises. Et, du coup, il a perdu beaucoup de son crédit, de sa crédibilité et de sa représentativité.