Jusqu'ici réfractaire à toute idée de greffe d'organes, qu'elle soit à partir de sujets cadavériques ou bien d'une personne vivante à une autre, en raison de considérations religieuses d'une part, et l'absence d'un cadre juridique spécifique d'autre part, l'Algérie est en passe de réaliser une véritable révolution. Le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, vient d'annoncer qu'un projet de loi sur la greffe des organes en Algérie est au niveau du gouvernement et sera annoncé en septembre prochain. «Le projet de loi contribuera sans nul doute à la généralisation de la greffe d'organes dont les reins et la cornée au profit de personnes malades», a soutenu le ministre qui a effectué dimanche dernier une visite d'inspection aux services de néphrologie et de diabétologie de l'hôpital de Bab El Oued, Mohamed Lamine Debaghine. Le projet de loi intervient après l'avis favorable donné par les instances religieuses au sujet des opérations de greffe d'organes pour sauver la vie des malades atteints d'insuffisance rénale estimés à 15.000 à l'échelle nationale. Notons que depuis 1986, quelque 800 greffes ont été réalisées, dont 300 entrent dans le cadre des conventions avec des partenaires étrangers. Six greffes ont été réalisées à partir du donneur cadavérique (expérience unique en son genre et pilotée en 2002 à Constantine par le professeur et ancien ministre, Abdelhamid Aberkane).Ould Abbès a précisé, enfin, que le don de reins qui se faisait entre les membres d'une même famille seulement, sera élargi en vertu de ce projet. Les organes seront prélevés à partir de corps de personnes décédées après consentement des personnes concernées avant le décès ou consentement de leurs proches. Ould Abbès a relevé le succès des opérations de greffe de reins dans plusieurs hôpitaux algériens. En octobre 2009, à l'occasion d'une journée parlementaire sur les traitements de l'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), Boukhors Mohamed, membre du bureau fédéral de la Fédération nationale des insuffisants rénaux (FNIR) avait indiqué que la transplantation rénale en Algérie était toujours au stade «des balbutiements», d'où l'impérieuse nécessité, selon lui, de recourir obligatoirement à la transplantation à partir des donneurs cadavériques. « Là, c'est la société civile qui doit s'impliquer, les médias et le ministère de la Santé. Pour cela, il faut élaborer des textes et améliorer les textes existants qui ne sont pas tellement bien élargis pour pouvoir à ce moment-là obtenir de bons résultats», avait-il recommandé. La Fédération nationale des insuffisants rénaux (FNIR) a recensé plus de 13 000 insuffisants rénaux en 2008 pour 235 centres d'hémodialyse, contre 12 049 dénombrés en juillet 2009 pour 273 centres d'hémodialyse dont 26 sont équipés, «mais non encore fonctionnels», selon le président de la FNIR, Mustapha Boukheloua. Une baisse due au nombre important de décès enregistré faute d'une prise en charge adéquate des malades. «L'Etat a mis le paquet, certes, pour la prise en charge des malades. Mais, la problématique est la suivante : il faut instaurer une base solide pour la prise en charge de cette maladie multiforme. Nous n'avons pas besoin seulement d'un néphrologue mais aussi d'un endocrinologue, d'un réanimateur, et pour l'enfant d'un pédiatre. C'est une maladie pluridisciplinaire qui demande la collaboration de toute main spécialisée afin de prendre en charge efficacement ce genre de maladie», a-t-il dit. En 2002, l'Algérie a réalisé 500 greffes rénales ; il n'y a eu qu'une seule tentative de greffe à partir d'un cadavre. Depuis, aucune avancée. «Les raisons en sont qu'il manque des textes, mais surtout cette volonté politique», a précisé Boukheloua. Une réflexion partagée par le professeur Si Ahmed El Mahdi, chef du service de chirurgie interne et de greffe au CHU Frantz-Fanon de Blida. Il précise qu'il existe un véritable problème de santé publique en la matière, puisque actuellement on compte 13 000 dialysés dont une centaine d'enfants. «Sur le plan de l'incidence, et si l'on continue avec 3 500 insuffisants rénaux par an, en 2020, on comptera 60 000 insuffisants rénaux», avait prévenu le professeur. Et de poursuivre : «Et si on continue encore quelques années, tout le budget de la santé publique ne suffira pas à assurer la prise en charge de ces insuffisants rénaux. C'est pour cela qu'il est très important d'aller vers la greffe rénale sachant que sur le plan économique on est gagnant puisque une greffe est synonyme d'une année de dialyse». En plus du fait que le patient sera dans une meilleure situation.Toutefois, les greffes rénales à partir de donneurs vivants ne sont possibles que dans 10% des cas, ce qui a fait dire au professeur que le donneur cadavérique est «la seuel issue» pour les insuffisants rénaux. Une tentative a été faite à Blida, cependant, affirme le Pr Si Ahmed, «ce n'est pas l'affaire d'un seul service, mais c'est une affaire qui concerne tout l'hôpital et peut-être même plusieurs hôpitaux». Y. D.