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L'avenir sera dans des investissements productifs en Algérie et dans le Maghreb
Il ne sert à rien de se précipiter en vendant les bons du Trésor américains
Publié dans La Tribune le 13 - 08 - 2011


Photo : S. Zoheir
Par Camille Sari*
Les pays développés ont créé dans les années 1980 des marchés financiers dérégulés, déréglementés, qui sont devenus des monstres incontrôlables. J'ai développé dans ma première thèse de doctorat en 1987 une théorie d'une finance internationale au service de l'économie réelle et non l'inverse. J'ai plaidé pour une réforme en profondeur du système monétaire international et que le dollar ne soit plus le pivot de toutes les transactions internationales et ne joue plus le rôle de monnaie de réserve. Il est ahurissant qu'une monnaie nationale joue un rôle international, c'est ce qui a permis aux Etats-Unis de s'endetter en toute impunité et de financer des guerres destructrices de vies humaines et de ressources économiques et financières (les guerres en Irak et en Afghanistan ont coûté
10 à 12 mds de dollars).Les Américains vivent au-dessus de leurs moyens et consomment plus ce qu'ils gagnent. Ils s'adressent au reste du monde pour emprunter. Les Etats-Unis, avec une dette publique dépassant les 14 300 mds de dollars, est le pays le plus endetté du monde. Afin de pouvoir emprunter sur les marchés financiers, l'Administration étatsunienne devait demander l'autorisation du Congres et du Sénat. Ce n'est pas la première fois que cela se produit dans ce pays. Ce fut le cas 67 fois depuis 1962 et 10 fois depuis 2001. Lorsque les deux Assemblées sont du même bord politique que le président, cela passe comme une lettre à la poste. Le blocage auquel on a assisté montre une radicalisation des clivages idéologiques entre les conservateurs et notamment leurs «intégristes» les membres du Tea Party et les démocrates. Les premiers défendent le moins d'Etat et le plus de marché. Lors de la crise financière mondiale en 2007-2008 qui, rappelons-le, est venue des Etats-Unis, nous avions cru que ce courant de pensée était battue en brèche. Il est coupable d'avoir initié les déréglementations-dérégulations des marchés boursiers dans les années 1980 et favorisé le règne de la finance au lieu de la production et l'emploi. Pas du tout, il est toujours présent et est majoritaire au Congres américain.
La dette globale publique et privée est de 50 531 mds de dollars, mais c'est à mettre en face des revenus privés des sociétés, des banques et des ménages pour un montant de 36 295 mds de dollars. Le solde est donc de 14 235 mds de dollars.Les 7 000 mds de dollars de placements américains dans le monde rapportent plus de dividendes que le pays paie d'intérêts à ses emprunteurs. Mais il est évident qu'il ne faut pas comparer dette publique et dette privée, car dans de nombreux cas les deux agrégats ne se compensent pas. C'est le cas en Grèce où les 350 mds d'euros de dette étatique n'a aucun lien avec les 200 mds d'euros d'épargne privée grecque placés en Suisse ou ailleurs.
Qui sont les créanciers de la dette américaine ?
Sur les 14 270 mds de dollars de dette à fin juillet 2011, 9 656 mds de dollars, soit 67%, sont détenus par des investisseurs privés :
la réserve fédérale : 1 427 mds de dollars investisseurs privés : 8 229 mds de dollars dont étrangers :
- Chine : 1 152,5 mds de dollars
- Japon : 907 mds de dollars
- Royaume-Uni 333 mds de dollars
- Pays membres de l'OPEP : 221,5 mds de dollars
- Brésil : 207 mds de dollars
- Taiwan : 154,5 mds de dollars
- Iles Caraïbes : 138,1 mds de dollars
- Russie : 125,4 mds de dollars
- Hong Kong : 122,4 mds de dollars
- Suisse : 112 mds de dollars Et des Fonds sous gestion publique pour un montant de 4 613 mds de dollars, soit 32,3% dont :
- fonds de pension de la sécurité sociale : 2 606,6 mds de dollars
- fonds de pension des retraites des fonctionnaires : 782, 7 mds de dollars
- fonds de pension Medicare (santé) : 337,3 mds de dollars
Situation de l'Algérie
Les questions monétaire et financière en Algérie ont été au centre de mes recherches universitaires avec une thèse en 2000. Mes collègues algériens et moi-même sommes sur la même longueur d'onde en travaillant sur des réformes bancaires et financières à mener de toute urgence. En 2008 en pleine crise financière internationale, j'avais participé au débat sur les réserves algériennes. Les informations dont nous disposons manquent de transparence et d'informations détaillées sur cette question. Il semblerait que 45% des 160 mds de réserves de change soient placés en bons de trésor américains, 45% dans des banques centrales européennes en majorité et asiatiques accessoirement et 10% dans des banques privées dites AAA. Je pense qu'un débat ne peut être utile que si les experts et les citoyens disposent de tous les éléments. Je ne suis pas favorable à tout chambouler d'un coup et surtout pas dans le contexte actuel. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Si tous les pays retiraient leurs placements en bons du Trésor américains, ce serait l'effondrement de tout le système financier international. Quelles que soient nos exigences quant à une réforme du système financier international, on ne peut aller dans le même sens que les spéculateurs qui tirent profit de l'écroulement des Etats endettés. Ils ont inventé des mécanismes sophistiqués du type CDS (Crédit default swap) ou vente à découvert afin de gagner en cas de faillite des Etats. La prudence est de mise et il ne sert à rien de se précipiter en vendant les bons du Trésor américains. Mais une stratégie globale est à trouver. L'avenir sera dans la recherche d'investissements productifs en Algérie et dans les pays du Maghreb. Il ne s'agit pas d'accorder des dons à ses voisins, mais à développer des coopérations gagnant-gagnant.
C. S.
*Docteur en économie et expert en banques et finances


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