La deuxième soirée des débats de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) a été dédiée à la question lancinante des médias et de leur traitement des révolutions arabes. Les médias ont-ils tenu leur rôle dans pareilles situations ? Sont-ils tombés dans le piège du sensationnel au détriment de l'éthique professionnelle ? Les médias classiques perdent-ils du terrain au profit des nouvelles formes de communication favorisées par les nouvelles technologies ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les deux invités : M. Redouane Boudjemaâ, maître-assistant à l'Ecole de journalisme d'Alger, ayant exercé le métier pendant plus de dix ans, et M. Mustapha Hemici, talentueux journaliste avec une expérience de plus de trente ans. Pour M. Boudjemaâ comme pour M. Hemici, la prestation des médias est intimement liée à la situation politique des pays arabes. Précisant que les médias ne présentent pas une homogénéité dans le monde arabe, M. Boudjemaâ déclare que «la crise des médias dans le monde arabe est une partie d'une crise politique complexe». En évoluant donc dans une permanente allégeance politique avec les systèmes, les médias ne peuvent exercer en toute liberté. M Boudjemaâ a cité quelques exemples qui prouvent les dérives des médias lourds. Il a évoqué le traitement différent qu'a réservé la chaîne El Manar pour les révolutions égyptienne et syrienne. Il a aussi relevé le «curieux silence» d'Al Jazeera sur les manifestations qui ont eu lieu au Bahreïn. Le conférencier s'interroge sur le professionnalisme de quelques journaux algériens qui ont présenté Kadhafi comme une victime. Ce n'est pas tout, puisque, rappella l'orateur, «des titres de la presse algérienne ont dressé, il n'y a pas longtemps, des portraits élogieux de Ben Ali et Trabelsi». Mustapha Hemici a soutenu, pour sa part, «l'impossibilité de construire un phénomène informatif indépendant du pouvoir sans l'existence d'une société structurée».M. Hemici fera remarquer que les chaînes Al Jazeera, Al Arabia et France 24 ont mobilisé d'énormes moyens pour couvrir les révolutions dans les pays arabes. Il notera, à cet effet, que «le côté spectacle a pris le dessus sur l'info». Soulignant que l'amélioration du travail journalistique exige une accumulation des luttes, M. Hemici ne voit pas, par ailleurs, l'utilité d'espérer qu'un système archaïque contribue à l'organisation et à la structuration de la profession. M. Zoubir Arous, chercheur au CREAD, avertit sur la tendance des médias à «fabriquer des symboles de révolutions pas encore achevées». A. Y.