Sur la pelouse du stade El Cha'ab, les joueurs sont fatigués et les tirs approximatifs, mais le symbole est là : pour la première fois depuis cinq ans, l'équipe de football d'Irak est revenue s'entraîner à Baghdad, sous la houlette de son tonitruant coach brésilien Jorvan Vieira. En ce début d'après-midi ensoleillé, plus d'une centaine de petits Irakiens en maillots bigarrés ont pris place dans la tribune principale de ce vaste anneau de ciment aplati entouré de barbelés et parsemé de gardes armés. Face à eux, quelques-uns des héros de la Coupe d'Asie 2007, remportée par l'Irak à la surprise générale, s'échauffent méticuleusement, impeccables dans leur tenue blanche et verte encore immaculée. Soudain retentit une sirène sur un des deux véhicules qui viennent de débouler avec fracas au pied de la tribune principale. La petite foule gronde lorsqu'un garde du corps trapu permet à l'emblématique Jorvan Vieira, petit homme aux cheveux ras et aux lunettes noires, de s'extraire d'un 4X4 blindé aux vitres fumées. Très entouré, le Brésilien annonce d'emblée la couleur à ceux qui s'enquièrent de sa sécurité. «Je suis entraîneur, je me fous de tout cela. Je ne suis pas la CIA !» explique-t-il. L'homme qui avait mené l'Irak à la victoire en 2007, avant de quitter son poste en pleine gloire, a repris début septembre les manettes d'une équipe assommée par son élimination en juin du Mondial 2010. Outre une substantielle augmentation de son salaire, Vieira n'a réclamé qu'une condition : «Qu'on me laisse travailler en paix.» Loin des ingérences politiques souvent associées au sport en Irak, géré jusqu'à 2003 par l'un des fils de Saddam Hussein, Oudaï, qui n'hésitait pas à emprisonner et torturer des joueurs pour les punir après un match. Conscient que son équipe nationale de football, le sport-roi en Irak, est l'un des rares vecteurs d'unité dans un pays ensanglanté par les luttes de factions, le gouvernement a accepté de donner carte blanche au Brésilien. Sur le bord de la touche, Bassam Ridha El Hussaini, conseiller du Premier ministre Nouri El Maliki, se réjouit. A ses yeux, le nouvel Irak doit ressembler aux heures qui ont suivi la victoire en Coupe d'Asie, «qui avait réuni tout le monde dans la joie, les chiites, les sunnites et les Kurdes».