Il ne peut pleuvoir chez le voisin sans qu'on ait les pieds mouillés. Ce proverbe chinois est d'une actualité mondiale brûlante. Celle de la crise financière majeure aux Etats-Unis qui pousse tout le système économique mondial au bord du gouffre. A sa faveur, il y a naturellement l'esquisse d'un débat algérien sur la gestion paysanne prudente de nos devises et les répercussions éventuelles de la crise sur l'état de nos finances et de notre économie. Mais, paradoxalement, cette crise, dont l'hypothétique résorption serait tributaire du vaste plan de sauvetage bancaire préconisé par l'administration Bush, pourrait avoir, avant tout et pour tout le monde, des effets antiseptiques et prophylactiques. Mieux, cathartiques. Bien sûr, la structure de défaisance proposée par le secrétaire d'Etat aux Trésor américain est insuffisante en soi. Elle l'est car fondée sur l'hypothèse qu'un redressement du marché immobilier dans quelques mois ferait remonter la valeur des titres, aujourd'hui jugés «toxiques». Son effet immédiat, ce n'est pas rien, serait déjà la restauration de la confiance sur le marché du crédit. Et quand bien même son efficacité s'avérerait pertinente, ce plan d'urgence ne suffirait pas à guérir tous les maux de l'économie mondiale. Loin s'en faut parce que l'économie mondialisée est malade de sa financiarisation à outrance. Mais à quelque chose malheur est bon. La fameuse crise des subprimes, qui a généré la crise, est tout de même porteuse de bonnes nouvelles, tels les effets collatéraux d'une déflagration. Les Etats-Unis ne sont plus le centre du monde, et c'est une bénédiction. Plus réjouissant encore, ils doivent jouer et composer avec des puissances financières comme la Russie et la Chine. Autre bonne nouvelle, la crise des subprimes a mis les fonds spéculatifs, ces fameux hedge funds, sous pression. Encore mieux, elle a réduit leur pouvoir de nuisance et neutralisé leur influence sur la stratégie des entreprises dont ils sont actionnaires. On vous disait bien que cette crise n'a pas que du mauvais. On a même cru entendre que le libéralisme pragmatique à l'américaine aurait cédé la place au collectivisme bolchevique ! Ça, c'est un sénateur républicain conservateur, Jim Bunning du Kentucky, qui le dit lorsqu'il affirme que le président Bush «veut tuer le libre-échange et instaurer le socialisme en Amérique». Dans la culture républicaine américaine, qui s'est alimentée à la superette du Maccarthysme, le mot socialisme porte toujours la barbichette de Lénine et la moustache de Staline ! Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, voilà un autre chantre du libéralisme économique, Nicolas Sarkozy en l'occurrence, qui appelle à une remise à plat de la finance mondiale. Le chef de l'Etat français a bien raison de demander donc une conférence internationale sur la manière dont elle fonctionne. C'est que la mondialisation a conduit l'économie mondiale à prendre la forme d'une «économie de papier», favorisant le pouvoir de la «main invisible» confié à des marchés que rien ne régule ni ne contrôle. Place donc à la régulation et à l'encadrement. Au règne des règles claires et collectivement édictées. De la même manière que l'OMC établit des normes pour les échanges mondiaux de marchandises, il paraît alors normal que l'on produise des lois pour les échanges financiers. Compte tenu donc des sommes échangées en jeu (286 000 milliards de dollars, selon des estimations), de l'absence de régulation et du climat actuel sur les marchés, le moment est venu de remettre à plat le système financier international. Plus que jamais, il faut, ici et maintenant, de la transparence, de l'équité et un partage équilibré et raisonné de la richesse produite. C'est ce que Jacques Attali appelle le libéraltruisme. N. K.