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Carte Chifa : entre satisfaction, déception et scepticisme
Généralisation du système tiers payant à tous les assurés sociaux
Publié dans La Tribune le 14 - 09 - 2011


Photo : Riad
Par Younès Djama
Le système du tiers payant du médicament généralisé à tous les assurés sociaux titulaires d'une carte Chifa et à leurs ayants droit, depuis le 1er août dernier, et qui sera appliqué, à terme, aux consultations médicales, constitue un des fondements de la politique de Sécurité sociale, selon les responsables du secteur. Lors d'une réunion restreinte d'évaluation, présidée par le chef de l'Etat durant le mois de Ramadhan, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, a indiqué que cette politique vise l'amélioration de la qualité des prestations, la modernisation du système de Sécurité sociale ainsi que la préservation des équilibres financiers des organismes de sécurité sociale.En matière de modernisation du système de Sécurité sociale, le programme de généralisation de la carte Chifa se poursuit, a précisé M. Louh. Cette carte, opérationnelle au niveau de 48 wilayas, a été distribuée à près de 6 300 000 assurés sociaux. Depuis son lancement en 2007 et jusqu'au 1er août 2011, le système du tiers payant bénéficiait aux seuls retraités et aux personnes souffrant de maladies chroniques. A présent, sur simple présentation de la carte Chifa et d'une ordonnance, les assurés sociaux peuvent bénéficier des avantages de ce système pour l'acquisition des médicaments prescrits pour eux ou pour leurs ayants droit, et ce, auprès de n'importe quelle officine pharmaceutique conventionnée avec la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (Cnas). La carte Chifa est utilisée, dans un premier temps, pour le remboursement des médicaments, en attendant son application, à long terme, aux consultations effectuées auprès de médecins conventionnés avec la CNAS, ainsi qu'aux laboratoires d'analyses. S'agissant de la préservation des équilibres financiers des organismes de Sécurité sociale, les efforts ont porté sur la mise en œuvre de la réforme des instruments de recouvrement et du financement du système national de Sécurité sociale. Cela s'est traduit par l'instauration de ressources additionnelles, notamment par la création du Fonds national de Sécurité sociale. D'autre part, concernant les retraites, outre la création, en 2006, sur décision du président de la République, d'un Fonds national de réserves des retraites, financé essentiellement par l'affectation annuelle de 2% du produit de la fiscalité pétrolière, d'autres mesures ont été prises ces dernières années, entre autres la révision de la répartition du taux global de cotisation de Sécurité sociale et la revalorisation annuelle des pensions et allocations de retraite.En ce qui concerne l'amélioration de la qualité des prestations, celle-ci, a indiqué M. Louh, s'est traduite notamment par le rapprochement des assurés sociaux des structures de la Sécurité sociale à travers la poursuite de l'élargissement du réseau des structures de proximité, dont le nombre est passé de 852 en 1999 à 1 431 en juillet 2011. Cette amélioration s'est traduite aussi par l'élargissement du tiers payant du médicament dont le nombre de bénéficiaires a atteint 2 400 000 à ce jour et sa généralisation à tous les titulaires de la carte Chifa et à leurs ayants droit.Par ailleurs, Tayeb Louh a annoncé l'ouverture d'une école supérieure de la Sécurité sociale à la rentrée sociale de 2013. Cette école entre dans le cadre des réformes engagées dans ce secteur et de la formation continue des agents et cadres de la Sécurité sociale. Le projet sera réalisé en coordination avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Sur le plan des équilibres financiers de la sécurité sociale, les recettes ont connu une hausse de 37%, passant de 447 milliards DA en 2008 à 612 milliards DA en 2010. Les dépenses de la Sécurité sociale en matière de remboursement des médicaments dépassent, quant à elles, 82 milliards DA par an, selon des données du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. L'opération de généralisation de la carte d'assurance sociale Chifa à tous les assurés sociaux suscite des appréhensions, voire le mécontentement des pharmaciens dont certains, approchés dans la capitale, ont souligné le manque flagrant d'information chez les malades qui viennent se faire rembourser leurs médicaments. Sans compter que des patients regrettent l'ancien système de remboursement. La Caisse nationale d'assurance sociale (Cnas) ne fait pas son travail en termes d'information et de sensibilisation des citoyens à l'opération de généralisation de la carte Chifa. C'est le constat fait par bon nombre de pharmaciens approchés à Alger. Des cartes expirées, d'autres carrément inactives, les carences sont légion et les pharmaciens refusent de porter la responsabilité.«La CNAS n'a pas fait son travail en matière d'information auprès des malades. Nous rencontrons beaucoup de problèmes avec les patients à leur expliquer qu'ils doivent payer les 20% et les tarifs de référence. Pour eux, c'est simple, il suffit de présenter sa carte Chifa et ils ont les médicaments. Ce qui n'est pas le cas. Souvent, nous rencontrons des oppositions», indique une pharmacienne exerçant à Belouizdad. Il y a aussi le fait que les malades refusent de payer la troisième ordonnance. Faute d'un travail d'information en amont, qui incombe à la Cnas, les pharmaciens «encaissent» et payent pour les erreurs et maladresses d'autrui. Une situation qui les incommode et qu'ils rejettent. «Nous ne voulons plus jouer les souffre-douleur. Les citoyens croient que c'est nous qui leur rendons la tâche difficile, alors que c'est entièrement faux. Nous leur disons qu'il faut voir plutôt du côté de la Cnas», explique une autre pharmacienne qui accuse la Cnas de tenter de faire croire aux malades que ce sont les pharmaciens qui créent des problèmes aux patients. «Certains patients se voient signifier à la CNAS que nous, les pharmaciens, faisons tout pour leur mener la vie dure. On leur dit, par exemple, que nous faisons exprès de les envoyer vers le contrôle médical. En quoi cela nous servirait-il, sachant que notre but c'est de vendre après tout ?» s'exclame notre interlocutrice. Autre grief retenu contre la Cnas : le manque de lecteurs de carte Chifa. «Nous travaillons avec un seul lecteur, ce qui est insuffisant. Pourtant, nous avons fait une commande auprès de la Cnas il y a quatre mois et, à ce jour, nous n'avons rien reçu», souligne-t-elle. Une vieille dame atteinte d'une maladie chronique se présente à l'officine munie d'une ordonnance. Après un bref moment, le pharmacien lui fait remarquer qu'il a saisi la Cnas afin de lui faire parvenir le tarif de référence d'un des médicaments prescrits sur son ordonnance, sans lequel il lui était impossible de lui vendre le médicament en question. La Cnas lui répond qu'il n'a qu'à consulter la note d'information qui lui a été envoyée. Or, dit-il, aucune note ne lui est parvenue. La vieille, désemparée, lui dit : «Que dois-je faire dans ce cas ?» «Je vais encore insister et voir ce que je peux faire pour vous», lui répond poliment le pharmacien. Nos interlocuteurs ont également soulevé un autre problème : les malades ignorent l'obligation de respecter le délai de 48 heures pour se faire rembourser une ordonnance (en ce qui concerne les malades qui ne souffrent pas de maladies chroniques) et celui de 10 jours pour les malades chroniques. «Beaucoup de malades viennent une fois le délai expiré et exigent de nous qu'on leur vende les médicaments. Et quand nous leur faisons savoir que cela est impossible, ils se mettent en colère», ajoutent nos interlocuteurs.


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