Correspondance particulière de Paris Azeddine Lateb Dans son deuxième numéro, la revue Kalila du Centre culturel algérien de Paris annonce un hommage à Mohamed Zinet, réalisateur du film culte Tayha ya didou, homme du septième art longtemps muselé et oublié, mort dans l'indifférence et le froid de l'exil. Une initiative louable qui permettra à cet homme généreux de revoir le jour et de reprendre l'écran, lui, le grand oublié du pays des désillusions. Ce sera aussi une aubaine pour les passionnés du cinéma de revivre les plus belles années du cinéma algérien. Longtemps effacé du paysage officiel algérien comme tous les bâtisseurs d'une Algérie vivable et digne, un pays qui refuse de naître, Zinet est un exemple de ceux qui ont payé chèrement leur amour fou et le talent d'aimer l'Algérie. Malgré cette terrible exclusion, il n'est pas mort pour autant. Il subsiste artistiquement dans la mémoire de l'Algérie artistique. Cet hommage s'inscrit dans la semaine du film algérien qui se tiendra à partir du 15 décembre jusqu'au 21 dont une palette de films sera présentée, à l'instar de Tahya ya didou, Dupont Lajoie d'Yves Boisset, les Hors-la-loi de Tewfik Fares, l'Opium et le Bâton» de Ahmed Rachedi, les Pêcheurs de Ghaouti Bendedouche, Morituri de Okacha Touita et 100 millions de centimes de Bachir Derais. L'édito de la revue signé par Yasmina Khadra exprime pleinement une immense gratitude à ce rêveur et dénonce la machine à museler qui a freiné tant de souffle et tant de talent. Il honore ainsi un déterrement et met le doigt sur cette méchante maladie que cultivent ceux qui ont le mépris du beau. En invoquant la tribu des irréductibles Numides, le geste est fort salutaire. Car parler de la générosité des vrais artistes est l'expression de la reconnaissance, talon d'Achille de ce pays condamné à l'essoufflement. «Il était cela, Zinet : un immense sacrifice ; il était sa propre crémation. Aujourd'hui, le CCA voudrait lui rendre hommage, mais là il ignore à qui. Au martyr de la générosité, au fou illuminé ou bien à cet homme splendide, mort pour avoir eu du talent dans un monde qui en était dépourvu», écrit le directeur du centre. Le réalisateur Marzak Allouche écrit que «faire exister une copie neuve de ‘‘Tahia ya didou'' sera le meilleur hommage qu'on puisse rendre au cinéaste Mohammed Zinet et, à travers lui, au cinéma et à la culture». Le plus noble des hommages, c'est de donner l'espace à la créativité et les possibilités de ne point moisir d'oubli. Republier des auteurs peu ou prou connus, rediffuser des films et des pièces théâtrales sont autant d'actes qui promettent de plus belles insurrections culturelles. Il suffit d'avoir un peu de dignité de ce qui fleurit.