Dominique Baudis, auteur français et adepte du roman historique, est à la fois romancier et président de l'Institut du monde arabe à Paris. Les civilisations du bassin méditerranéen sont son terrain de prédilection et le roman historique constitue sa façon de raconter le contact existant entre l'occident chrétien et l'orient musulman.Comment raconter des siècles d'histoire commune, de contacts parfois violents entre les Hommes sans ennuyer le lecteur ? Dominique Baudis a choisi la fiction qui intègre le récit, le dialogue, les détails insignifiants sans déformer la réalité des évènements qui se sont réellement déroulés. Avec son récent roman Les Amants de Gibraltar, il a réussi cet exercice consistant à raconter les rapports tumultueux qui ont marqué les civilisations du pourtour méditerranéen. Ses personnages n'ont pas été inventés mais ils ont existé dans la réalité, sauf quelques-uns pour alimenter son récit, explique-t-il, lors de la présentation de son livre au Sila. L'histoire se déroule au VIIIe siècle de notre ère, à Constantinople. «Elle n'est pas totalement imaginaire», explique t-il.A travers son personnage, Angelos, l'espion au service de l'empereur Justinien II, Baudis nous replonge dans l'époque où l'Empire Romain d'orient était sur le point de céder à la pression des armées arabes, qui voulaient conquérir l'autre rive de la Méditerranée. Erudit, cartographe, converti en moine à Damas, Angelos va parcourir le bassin méditerranéen en parfait espion de l'empereur, passant par Kairouan, Ceuta, Tolède, Tanger et d'autres villes sans se faire arrêter par les musulmans, occupés à préparer leur guerre. Angelos, déguisé en moine vénitien, à Damas va se servir d'Abdallah, un porteur de relique contenant un cheveu du prophète. Abdallah, très aimé à Damas, est reçu partout et même les portes du royaume du calife lui sont à chaque fois ouvertes. Sa relique, qui constitue un enjeu symbolique dans le texte, lui sert de sésame pour accéder partout, où il va, jusqu'à pouvoir écouter les discussions du calife avec ses responsables militaires qui se préparaient à envahir la rive nord de la Méditerranée. Angelos saura ainsi mettre en confiance Abdallah et le faire parler dans le but d'obtenir les informations nécessaires concernant le plan d'invasion de l'Europe par les armées musulmanes. Fragilisé, l'Empire Romain d'Orient devra donc détourner l'expédition musulmane, soigneusement préparée par le Calife de Damas, pour éviter la chute de Constantinople. C'est Angelos l'espion qui va se charger de persuader les musulmans de passer par l'Espagne. Une succession d'évènements va pimenter le récit de Dominique Baudis, allant des petites histoires des pigeons-voyageurs, des amours charnelles de Tarek Ibn Ziyad avec Florinda (la fille de la reine berbère Kahina), à l'alliance d'Angelos avec Julien, le gouverneur byzantin de Ceuta, avec Moussa, l'émir de la dynastie omeyyade de Kairouan. Dominique Baudis a voulu en fait mettre l'imaginaire et le réel dans un même moule pour former une œuvre romanesque dans laquelle l'intervention de l'auteur n'altère en rien la vérité historique. «Les Amants de Gibraltar» n'est pas une simple fiction qui met en scène des personnages historiques réels, mais c'est aussi un document pour ceux qui voudraient connaître un fragment de l'histoire riche de la région méditerranéenne. L. M.