Photo :S. Zoheir Par Faouzia Ababsa Le projet de loi organique relatif au Code de l'information est entre les mains de la Chambre basse du Parlement depuis dimanche après-midi. Le moins que l'on puisse dire est que le projet de texte a été quelque peu sassé des dispositions pénalisant les délits de presse et prévoyant des peines d'emprisonnement des journalistes contenues dans la première mouture du document. En revanche, le texte instaure la coresponsabilité des écrits entre la direction de la publication et l'auteur des écrits (article 111). Cela, contrairement à ce que prévoit l'article 144 bis révisé du Code pénal qui tient pour seul et unique responsable le journaliste pour ses écrits. En fait, toujours dans le même registre, l'on assiste à un foisonnement de contradictions entre les textes de loi. En effet, si la dernière révision du Code pénal a supprimé l'emprisonnement des journalistes, tout comme dans le projet sur l'information, il n'en demeure pas moins que le même Code pénal maintient les peines d'emprisonnement dans ses articles 298 et suivants dans la section 5 relative à l'atteinte aux personnes. Dès lors, l'on s'interroge sur la base de quel texte juge-t-on le journaliste qui se serait rendu coupable d'un délit de presse. De plus, les magistrats ayant pour mission la stricte application de la loi lorsqu'ils rendent leur jugement, rien ne garantit que le journaliste, justiciable au demeurant, ne soit pas sanctionné sur la base des dispositions les plus coercitives, comme l'emprisonnement. Cela, même si la jurisprudence évoque que c'est la loi la plus clémente qui doit être appliquée. D'autre part, le journaliste devra-t-il comparaître seul ou solidairement avec son directeur de la publication comme prévu dans le projet de loi sur l'information. Alors que le Code pénal stipule que s'il est condamné, il devra s'acquitter seul de l'amende de 100 à 500 000 DA. Cette superposition de texte traduit si besoin est l'incohérence qui marque l'élaboration des lois. Cela étant, et au-delà de ces contradictions, le projet de loi organique relatif à l'information comprend des dispositions qui ont longtemps constitué les revendications de la corporation. Notamment en ce qui concerne le marchandage des agréments et leur délivrance. L'article 14 du projet dispose que «l'agrément est incessible et ouvre droit à la protection de la propriété intellectuelle (…)». Une disposition qui vient mettre un terme à des pratiques mafieuses et dont les auteurs n'ont d'autres soucis que le gain facile et le blanchiment de l'argent sale. Une disposition saluée par la corporation qui n'a eu de cesse de subir le diktat de commerçants qui n'ont absolument aucun lien avec la profession mais qui s'accaparent de tribunes que représentent les journaux pour assouvir leurs propres intérêts et exercer des pressions. Cependant, il faut noter que par rapport à la première mouture qui exigeait que le directeur de publication d'un organe de presse devait cumuler 10 ans minimum dans le domaine de l'information, le projet qui est entre les mains de l'APN a abaissé l'ancienneté à 5 ans. Ce qui est très peu quand on sait qu'aujourd'hui le professionnalisme a nettement reculé dans le secteur. Quand on sait également que pour diriger un journal il faut jouir d'un minimum de connaissances dans les domaines politique, économique et autres, l'on conclut que cinq années ne suffisent pas pour être professionnel. C'est à se demander si cette disposition (article 21) n'a pas été élaborée sur mesure pour ceux des bailleurs de fonds, qui, à défaut de trouver des ténors de la presse, fassent appel à des journalistes qui entament à peine leur carrière. Des exemples dans ce sens sont légion. Par ailleurs, le projet de loi interdit les prête-noms «en simulant la souscription d'actions ou de parts, l'acquisition ou la location-gérance d'un fonds de commerce ou d'un titre». Satisfaisant à une revendication de certains éditeurs, le document prévoit l'instauration d'un organisme de la justification de la diffusion de journaux (OJD) dont le rôle est de certifier la diffusion, la distribution et le dénombrement des journaux. Ce qui permettra de mettre fin aux enchères de certains titres sur la véracité du nombre d'exemplaires qu'ils impriment, qu'ils vendent réellement. La création de l'autorité de régulation de la presse écrite est maintenue. Elle sera en quelque sorte le gendarme des journaux. Tout comme le sera pour l'activité audiovisuelle l'autorité de régulation de l'audiovisuel. Le projet de texte, contrairement à la première mouture, ne soumet pas à agrément les médias électroniques. L'article 70 dispose que «l'activité d'information en ligne est libre. Elle est soumise aux fins d'enregistrement et de contrôle de véracité, au dépôt d'une déclaration préalable par le directeur responsable de l'organe de presse en ligne (…)». L'absence d'agrément pour la presse en ligne participe certainement de la volonté d'encourager ce genre de média à constituer des organes de droit algérien. L'intention est certes bonne, mais faut-il souligner que le contrôle de ces médias s'avérera difficile et le moindre couac pousserait leurs propriétaires à se tourner vers d'autres cieux. Le projet de loi reprend les dispositions relatives à l'exercice de la profession de journaliste. Toutefois, il ne détermine pas qui est journaliste professionnel et qui ne l'est pas, laissant le soin au statut du journaliste de le définir.Il est fait obligation au titre de l'article 76 de la signature d'un contrat de travail entre l'organisme employeur et le journaliste. Car rares sont les entreprises de presse qui ont contracté une relation écrite avec leurs journalistes, ouvrant ainsi la voie à l'arbitraire, les concernés ne pouvant se défendre sans document écrit prouvant qu'ils ont exercé dans tel ou tel organe de presse. L'accès aux sources d'information est très limité dans le projet de loi organique. Celui-ci est reconnu, à l'exception du secret défense, l'atteinte à la sûreté de l'Etat et/ou à la souveraineté nationale manifeste, le secret de l'enquête et de l'instruction judiciaire, le secret économique stratégique (encore faut-il le définir), l'information portant atteinte à la politique étrangère et aux intérêts économiques du pays. Sur le plan de la responsabilité, l'on relève que les pouvoirs publics ont accédé à un souhait de la corporation relatif à la période de prescription en matière de délit de presse. Dans le projet de loi organique et aux termes de l'article 113 «l'action publique et l'action civile relatives aux délits commis par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, se prescrivent par six mois révolus à compter du jour où ils ont été commis.» Ce qui ne manquera pas de réjouir la famille journalistique. En ce sens que beaucoup de confrères sont souvent surpris de se voir traduire en justice tardivement pour des délits de presse au point où ils oublient de quel article incriminé il s'agit. Toutefois, l'on relève encore une fois une aberration. D'aucuns savent qu'en matière délictuelle, la prescription est de trois ans. Encore une fois, la question se pose : la corporation sera-t-elle soumise à cette loi spécifique ou au droit pénal applicable à tout justiciable. Des contradictions qui gagneraient à être levées pour la bonne cohérence des textes législatifs et la bonne compréhension de la législation pour le commun des citoyens. Sans quoi ce sera le cafouillage et le règne de la confusion dont les conséquences seront des batailles juridiques et de procédures à n'en point finir. Sinon, le texte proposé par le gouvernement comprend beaucoup de dispositions positives qui viennent un tant soit peu réguler un secteur qui naviguait pratiquement à vue. F. A. (Lire document pages 12, 13 et 14)