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Soulèvement en Egypte : comment les jeunes sont passés du virtuel à l'action réelle Deuxième journée du colloque «le monde arabe en ébullition : révoltes ou révolutions ?»
Abdel El Ghaffar Shokr, le directeur adjoint du centre de recherche arabo-africain du Caire et l'un des fondateurs du mouvement Kifaya (ça suffit !) en Egypte, a animé, jeudi dernier, une des conférences de la deuxième journée du colloque «Le monde arabe en ébullition : révoltes ou révolutions ?», qui s'est ouvert mercredi dernier à la Bibliothèque nationale d'El Hamma en marge du Salon international du livre d'Alger. Abordant le thème du rôle particulier de la jeunesse et de la femme dans les processus politiques en cours en Egypte, le conférencier a commencé par répondre à la question posée par le thème du colloque en disant : «Ce n'est pas le moment de demander si les événements qui se sont déroulés dans le monde arabe sont des révolutions ou des révoltes. Actuellement, la période est au développement. Dans dix ou quinze ans, sur la base des changements apportés, on pourra dire qu'il s'agissait d'une révolution ou comprendra que les soulèvements n'ont été que des révolutions avortées». Revenant à son thème, Abdel El Ghaffar Shokr a soutenu que le simple observateur qui a suivi le soulèvement populaire en Egypte sur les différents supports médiatiques a pu remarquer le rôle important joué par la jeunesse et la femme et leur participation par millions dans les sit-in qui ont amené à la chute de Hosni Moubarak. Et pour mieux expliquer ce rôle, le conférencier a choisi de morceler son intervention en trois sous-thèmes : la naissance et le rôle des mouvements de la jeunesse en Egypte, les caractéristiques de ces mouvements et enfin leur avenir dans l'Egypte de l'après-Moubarak. Il a alors commencé par expliquer que le 25 janvier 2011, le premier jour de la révolution égyptienne, n'est que l'aboutissement d'un long processus d'une dizaine d'années de lutte syndicale et politique qui a permis une structuration des mouvements de la jeunesse. En 2000, rappelle M. Shokr, il y a eu la création du comité populaire de soutien à l'Intifadha du peuple palestinien, «une commission créée par la génération des années 70, par ceux qui étant jeunes lycéens avaient manifesté contre la défaite de 1967. C'est une génération qui a poursuivi sa lutte tout au long des années jusqu'à 2011 où elle a appelé aux premières manifestations à la place Tahrir. De nombreux jeunes qui ont participé à la chute de Moubarak ont affirmé avoir été encadrés en premier par cette commission». C'est là la première étape de la formation des mouvements de jeunes en Egypte qui sera suivie par une deuxième en 2003. Cette année-là, selon M. Shokr, l'Egypte a connu les grandes manifestations du 20 mars où plus de 20 000 Egyptiens sont sortis pour dénoncer l'invasion de l'Irak : «Après ces manifestations, plusieurs mouvements ont vu le jour comme le comité de soutien au peuple irakien, le groupe du 9 mars pour la liberté des universités et le mouvement populaire du 20 mars». La troisième étape a eu lieu en 2004 avec la création du «Mouvement égyptien pour le changement : Kifaya» qui avait comme slogan : «Non au prolongement, non à l'héritage». Ce mouvement avait organisé de multiples manifestations et observé autant de sit-in appelant à l'ajournement de l'amendement de la Constitution et au changement. Plus de 1 200 grèves et de 490 millions interventions sur les réseaux sociaux En 2007 et après la réélection de Moubarak, les mouvements de protestation politiques ont commencé à prendre du recul et laisser place aux mouvements sociaux où de nombreuses grèves dans tous les secteurs ont eu lieu : «pas moins de 1 230 grèves ont été observées entre 2007 et 2010». C'est ces mouvements sociaux qui ont amené à la naissance pour la première fois, des réseaux sociaux : «des jeunes de moins de 30 ans ont commencé à travailler en réseaux, à communiquer sur les sites d'Internet, à créer des pages de Facebook…Et ces réseaux n'étaient plus chapeautés par la génération 70. Les jeunes Egyptiens avaient acquis tout au long des années 2000 l'expérience des protestations». Il s'agit là, d'une nouvelle étape de lutte politique et populaire, affirme M. Shokr, ajoutant : «La nouvelle étape a vu la création des organisations de jeunes qui ont appelé à la manifestation du 25 janvier 2011». Il est question de cinq organisations : «l'association du 6 avril», «Organisation de soutien à El Baradeï», «l'Association Frapper aux portes», «l'Association des jeunes pour la justice et la liberté» et «Nous sommes tous Khaled Saïd». Pour ce dernier groupe, M. Shokr a tenu à rappeler que sa création s'est faite à la suite de la mort tragique du jeune Khaled Saïd sous la torture : «Une page facebook a été créée pour dénoncer la mort de ce jeune et plus de 500 000 jeunes y adhérent pour dénoncer la torture et exiger le respect de la dignité humaine.» Ces cinq associations de jeunes ont appelé à manifester le 25 janvier 2011, jour de la Fête de la police en Egypte. L'opposition n'avait pas suivi au début arguant que la célébration de la fête de la police ne devait être perturbée mais elle a fini par rejoindre le mouvement. Ainsi donc «les jeunes sont passés du virtuel à l'action réelle» et la réussite de leur soulèvement du 25 janvier est dû principalement à certaines caractéristiques que le conférencier a résumé en quelques points : l'union de tous les mouvements (qu'ils soient libéraux, islamistes, de gauche ou de droite) pour mener à bien le soulèvement du 25 janvier, l'utilisation de certains slogans (pain, dignité, droits sociaux…), l'expérience acquise et les leçons tirées du passé ainsi que la perspicacité des leaders en morcelant leurs revendications : «Une fois que les jeunes ont réussi à investir les rues et occuper la place Tahrir, ils ont exprimé leurs revendications mais de manière progressive : droits sociaux, dissolution de l'Assemblée populaire, départ du gouvernement… jusqu'à l'exigence du départ de Moubarak. Il y avait donc de la souplesse dans la formulation des revendications. Il y a eu ensuite l'appel lancé pour la marche d'un million et qui visait à démontrer leur force de mobilisation». Parmi les caractéristiques citées par M. Shokr, il y a également l'utilisation des moyens de communications où durant les semaines de manifestations «pas moins de 493 millions interventions sur les réseaux sociaux ont été enregistrées». Enfin et évoquant l'avenir de ces mouvements qui ont fait la révolution égyptienne, le conférencier développe trois hypothèses : la marginalisation amenant à la disparition de ces mouvements de jeunes, leur absorption par les partis politiques existants ou leur transformation en forces de pressions. Toutefois, il précisera qu'on commence à percevoir sur le terrain un début de concrétisation de ces trois hypothèses. H. Y.