L'information, agréablement surprenante, est une excellente nouvelle pour Mekioussa Chékir et pour son journal, le nôtre, La Tribune. C'est aussi, n'hésitons pas à le dire, une bonne nouvelle pour la presse algérienne qui peut être ainsi honorée quand elle sait quitter les sentiers battus et son fonds de routine. Notre consœur, journaliste de la rubrique politique, a en effet été nominée pour le Prix méditerranéen du journalisme 2011 de la Fondation Anna Lindh (FAL). Ce prix, créé en 2006, est organisé en collaboration avec la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (COPEAM), l'Alliance des civilisations de l'ONU, la Commission européenne et la Fondation Monaco-Méditerranée. Cette distinction récompense les travaux journalistiques d'exception qui contribuent à une meilleure compréhension de la diversité des cultures dans la région euro-méditerranéenne. Diplômée de sciences politiques de l'université d'Alger et native de Bab El Oued, cœur populaire palpitant de la capitale, Mekioussa Chékir, fringante et jeune quadragénaire, est ainsi distinguée pour son reportage «La tolérance à l'épreuve de l'unanimisme religieux», consacré le 28 juin dernier aux chrétiens algériens et au dialogue interconfessionnel en Algérie. Dans ce reportage œcuménique et humaniste, la journaliste a revisité le monastère et le drame des moines trappistes de Tibhirine. De même, a-t-elle plongé dans la profondeur d'une foi chrétienne, notamment protestante, vécue souvent dans la douleur silencieuse, l'incompréhension lourde, le rejet stigmatisant et, parfois, dans la clandestinité, par des compatriotes qui ont embrassé, de bonne foi, la grande passion du Christ, sidna Aissa, le fils de sainte Meriem dans le Coran. Ce reportage a donc retenu l'attention du jury présidé cette année par l'éminent philosophe français Edgar Morin et composé, entre autres, d'Adam Michnik, historien, journaliste, essayiste, opposant irréductible à la dictature communiste polonaise et médiateur des libertés de l'Union européenne. Le jury, composé aussi de la journaliste égyptienne de la BBC Nagla El Emary et d'Alessandra Paradisi, responsable des relations internationales de la Rai TV et secrétaire générale de la COPEAM, a retenu le nom de notre consœur sur une short list de cinq nominés pour le prix de la catégorie Presse. Pour l'édition 2011 du Prix méditerranéen du journalisme, 222 candidatures en provenance de 43 pays ont été reçus par la Fondation Anna Lindh pour l'édition 2011 qui a connu une augmentation de 42% de candidatures par rapport à l'édition précédente. 59% des candidats proviennent de la rive Sud, avec une majeure participation de l'Egypte, de la Tunisie et de la Palestine. Les contributions des journalistes tunisiens sont significativement plus nombreuses dans la présente édition. La révolution du Jasmin y est sans doute pour beaucoup dans l'intérêt des confrères tunisiens. Pour cette année, le Tunisois Aziz Hali est nominé pour le Prix spécial du meilleur article dans la catégorie «Democracy and Citizenship» (démocratie et citoyenneté). Le confrère avait été remarqué pour son article intitulé «Facebook, ma République, Twitter, ma Ligue arabe». La nomination d'Aziz Hali confirme un intérêt certain pour le democracy making sous le thème «Changement social, citoyenneté et démocratie». Lors de l'édition précédente, le grand journaliste, éditorialiste de renom, écrivain et fondateur du Nouvel Observateur français, a reçu un prix spécial pour son engagement visionnaire et pionnier pour une «Méditerranée réunifiée et réconciliée». Le jury fera donc la sélection finale avant la cérémonie internationale qui sera accueillie par le Prince Albert II de Monaco, le 6 octobre prochain. Les gagnants recevront une somme d'argent et seront surtout impliqués durant toute l'année 2012 dans des activités de la Fondation Anna Lindh à travers la région. Les organisations partenaires leur offriront également la possibilité de bénéficier d'une visibilité à l'échelle internationale en présentant leurs travaux lors de conférences et autres événements qui se dérouleront dans le pourtour méditerranéen. Le Prix Anna Lindh, perçu désormais comme la compétition de référence dans l'espace méditerranéen pour tout ce qui touche à l'expression médiatique des cultures et des civilisations de la région, a été créé en 2006 par la fondation éponyme qui a vu elle-même le jour en 2005. En six ans d'existence, la Fondation a mis en place un réseau d'envergure internationale de plus de 2 500 organisations de la société civile et a lancé des actions de petite et grande portée dans les domaines ayant un impact sur les perceptions mutuelles entre les populations et les différentes croyances et cultures en Méditerranée. La FAL contribue à la création d'un espace de prospérité et de coexistence pacifique, par la restauration de la confiance à travers le dialogue, la valorisation et la promotion de la diversité, la tolérance et le respect mutuel entre les peuples. C'est de ce même esprit que le journal La Tribune a procédé en publiant le reportage de notre consœur Mekioussa Chékir, qui a fait preuve d'audace et de courage intellectuelle en prenant à cœur et à bras le corps un sujet délicat et difficile dans une société algérienne qui n'accepte pas toujours facilement la différence culturelle, à bien plus forte raison, la différence de culte dans un pays de monolithisme malékite. La nomination au Prix de la Presse est déjà une belle récompense pour une journaliste algéroise aux profondes racines amazighes. L'obtention éventuelle du prix lui-même serait un magnifique cadeau pour La Tribune et surtout pour notre consœur qui a débuté l'aventure journalistique dans l'historique Alger-Républicain, avant de travailler successivement dans les quotidiens Liberté, La Tribune, une première fois, dans l'excellent Matin de Mohamed Benchicou et, brièvement, au Jeune Indépendant avant de rejoindre La Tribune, sa famille d'adoption journalistique. Bonne chance à Mekioussa et bon vent à la pimpante Chékir. N. K.