De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur À Paris, le pont Saint-Michel est le trait d'union entre la connaissance et le savoir, d'un côté, et la force et la loi, de l'autre. Sa rive gauche, le quartier latin, est dédiée aux lettres et aux sciences, symbolisées par l'illustre université de la Sorbonne et le Collège de France. Sur sa rive droite, l'île de la Cité, cohabitent le Tribunal de Paris et la Préfecture de police de la capitale. En cette fin de journée et début de soirée du 17 octobre 1961, les connaissances et le savoir sont restés cloîtrés dans les amphithéâtres. La justice muette, ignorée. Seule la police régnait pour réprimer les manifestants algériens, qui gisaient ensanglantés sur le sol ou étaient jetés dans la Seine par-dessus le pont, devenu le pont de la mort. Cinquante ans déjà. C'est en ce lieu, comme depuis onze ans, qu'a eu lieu hier en mi-journée, une cérémonie de recueillement devant la plaque commémorative apposée par la Mairie de Paris en 2001. Le premier magistrat de la ville, Bertrand Delanoë, et l'ambassadeur d'Algérie en France, Missoum Sbih, ont déposé une gerbe de fleurs commune au pied de la plaque en présence de nombreuses personnalités, des ambassadeurs, du recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubekeur, des historiens, des responsables d'associations, etc..Après le dépôt de la gerbe de fleurs et avant la lecture de la Fatiha à la mémoire des victimes du 17 Octobre 1961, le maire de Paris a fait une allocution où il a qualifié les massacres de l'époque de «crime» qu'il considère «comme une faute politique et morale». Revenant sur sa décision d'apposer une plaque sur le pont Saint-Michel dès son élection en 2001, Delanoë a expliqué qu'il a voulu ainsi «que Paris ose dire la vérité sur un crime atroce qui s'est déroulé sur fond de guerre coloniale injustement menée par la France contre le peuple algérien». «Ce 17 Octobre 1961 avait vu des répressions terribles et commettre un crime abominable, qui a vu la mort de très nombreux Algériens qui manifestaient pacifiquement. Un crime, a-t-il ajouté, couvert ou décidé par les autorités de la France, que je considère comme une faute politique et morale» «J'aime passionnément mon pays, la France. Mais ce pays est grand quand il honore les valeurs de liberté, des droits de l'Homme et du droit des peuples à disposer de leur destin (…) C'est pourquoi pour la onzième année consécutive j'ai tenu à ce que Paris se souvienne, que Paris rende hommage aux victimes innocentes de ce crime et de cette faute politique et morale de la France», a ajouté le maire de la ville qui ajoutera : «Je suis ému et je suis touché que la gerbe déposée porte en même temps le nom de Monsieur l'ambassadeur d'Algérie et du maire de Paris, joints fraternellement dans cet hommage. Je crois qu'il n'y a pas de dignité, il n'y a pas d'avenir, il n'y a pas d'espérance sans le courage de la vérité (…) Paris contribue modestement mais résolument à ce que la vérité cesse d'être niée.» A l'issue de la cérémonie commémorative du cinquantenaire du 17 Octobre 1961, Missoum Sbih a déclaré, en réponse à des journalistes, que : «Cette année, le dépôt d'une gerbe de fleurs dans ce lieu hautement symbolique a un caractère particulier.» «C'est aujourd'hui une démarche commune qui a un sens : c'est un message très fort de solidarité qui est envoyé aux deux communautés», a souligné l'ambassadeur avant de relever que «cette année, la commémoration du 17 Octobre est célébrée à travers un très grand nombre de mairies en France, avec une ampleur et une ferveur inégalées. Cela témoigne, a-t-il ajouté, d'une très large prise de conscience citoyenne qui procède à l'évidence du devoir de mémoire».«Cet hommage solidaire aux victimes algériennes du 17 Octobre, illustre la volonté, de part et d'autre, de faire de cette journée un moment de communion entre les deux peuples», a encore déclaré Missoum Sbih, avant de répondre à une question sur le devoir de mémoire. «Le devoir de mémoire, a-t-il souligné, est une question d'une extrême sensibilité pour les Algériens, toutes générations confondues, qui estiment que le passé doit être assumé complètement et puisse ainsi consacrer une réconciliation définitive entre les peuples algérienet français.»La journée parisienne de commémoration du cinquantième anniversaire du 17 Octobre 1961 s'est terminée, en début de soirée, par une marche du souvenir à travers plusieurs artères de la ville, entre les grands boulevards, à hauteur du cinéma le Rex, et le pont Saint-Michel.