De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Depuis leur première réunion du 15 juin dernier, la ville de Paris et le Collectif «17 Octobre» préparent activement la commémoration du 50e anniversaire du massacre du 17 Octobre 1961, à qui ils entendent donner une grande ampleur, un relief particulier. Considérant cependant que l'évènement mérite une grande préparation et une mobilisation sans précédent, le collectif du «17 Octobre» a lancé un appel diffusé sous forme de tract dès le mois de mars dernier. Sous le titre «Vérité et Justice», cinquante associations, six organisations syndicales et sept partis politiques donnent une dimension revendicative à la commémoration en demandant en particulier que «les plus hautes autorités de la République reconnaissent les massacres commis par la police parisienne le 17 octobre 1961 et les jours suivants, comme un crime d'Etat». Pour appuyer cette revendication, le Collectif rappelle : «Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d'Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, Préfet de police de Paris. Ils défendaient leur droit à l'égalité, leur droit à l'indépendance et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou, pour nombre d'entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent leur vie, victimes d'une violence et d'une brutalité extrêmes des forces de police». «Cinquante après, la Vérité est en marche», affirme le collectif en soulignant : «Cependant, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées, - en particulier la Guerre d'Algérie- non plus que dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elles ont entraînés, comme ce crime d'Etat que constitue le 17 Octobre 1961. Certains osent encore aujourd'hui parler des ‘‘bienfaits de la colonisation'', célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République et le pouvoir encourage les nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS». Dans cette lignée, le collectif ‘‘17 Octobre'' demande que les bases de la ‘‘Fondation pour la mémoire de la Guerre d'Algérie'' créée il y a quelques mois avec un budget de 7 millions d'euros, soient revues pour qu'elle soit éloignée des «associations nostalgiques qui voudraient pouvoir exiger des historiens qu'ils se plient à la mémoire de ‘‘certains'' témoins». «Pour être fidèles à leur mission scientifique, poursuit le collectif, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs homologues des deux rives de la Méditerranée». Le collectif ajoute : «La vérité doit être dite sur l'organisation criminelle de l'OAS que certains, au sein même du parti du président de la République, cherchent à réhabiliter. Ce n'est qu'à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la Guerre d'Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyens ou de ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières». Dans le large programme des manifestations commémoratives connues, il y a la plus symbolique à rendre hommage aux manifestants et aux victimes du 17 Octobre 1961 : une marche sur une partie du parcours de l'époque, partant du cinéma Rex, sur les grands boulevards de Paris, un des hauts lieux des massacres, au pont Saint-Michel où de nombreux Algériens furent jetés dans la Seine. Dès le 15 octobre, l'Assemblée nationale française accueillera un colloque animé par des historiens qui aura à répondre à deux questions : «Que peut-on dire aujourd'hui de la connaissance de ces évènements qui furent l'objet, pendant longtemps, de dissimulation et de dénis ? Cinquante ans après, la France ne doit-elle pas reconnaître la responsabilité de l'Etat dans ce drame ?» A Paris, comme en banlieue, auront lieu plusieurs cérémonies de recueillement, des débat-concerts, des projections de films et de documentaires, ainsi que des représentations théâtrales comme au Centre culturel algérien le 14 octobre avec La pomme et le couteau de Aziz Chouaki d'après des textes du sociologue disparu Abdelmalek Sayad et de l'historien Jean-Luc Einaudi.