Après avoir été invité dans les deux villes de l'Est du pays, Constantine et Annaba, Stanislas Frenkiel, historien et spécialiste des migrations des sportifs, était avant-hier à Alger. Avant d'animer une conférence au Centre culturel français d'Alger, sur le thème «Les footballeurs professionnels algériens entre les deux rives (1954-2002)», nous nous sommes approchés de lui pour aborder certaines questions liées aussi bien au travail accompli qu'à ses conclusions. L'auteur définit son œuvre comme étant «un travail d'universitaire pour une thèse de doctorat que j'ai soutenue en 2009 à l'université de Paris Sud. Ce travail consiste à raconter, analyser l'histoire de trois générations de footballeurs professionnels algériens en France des années 50 aux années 2000». Déclarant avoir parcouru plus de 50 000 kilomètres pour rencontrer d'anciens joueurs internationaux, Stanislas révèle dans sa thèse avoir «retrouvé, en gros, une soixantaine de footballeurs professionnels algériens qui ont opéré en France en 1re et 2e divisions. J'ai établi trois catégories de ces footballeurs. C'est assez simple. Première catégorie : les migrants sportifs. C'est ceux qui quittent un club algérien pour un club français. C'est ceux qui quittent l'Algérie pour un but sportif suite à une initiative individuelle. Je peux citer les Makhloufi, Maouche et plus récemment les Madjer, Assad, Bensaoula et bien d'autres. Deuxième catégorie : les migrants familiaux. Il s'agit de ceux qui sont nés en Algérie, mais qui sont venus en France en suivant leurs familles. Je pense à Mustapha Dahleb, Abdelghani Djadaoui, Abdellah Medjadi, Kader Ferhaoui et feu Saïd Hamimi et d'autres. Troisième catégorie : ceux qui sont nés en France, mais qui jouissent de la double nationalité, à l'exemple de Djamel Belmadi, Nouredine Kourichi, Fethi Chebal… Cette thèse m'a pris quatre ans avec la rédaction de 1 500 pages. Exprimant son souhait de transformer cette thèse en livre, le jeune chercheur est revenu également sur les motivations de se lancer dans une telle aventure intellectuelle. Plus d'une raison ont donc poussé Stanislas à se lancer dans cette recherche qui a pris 4 ans de sa vie. «Tout d'abord, la thématique ‘‘Sport et migration en France'' était assez porteuse. Le thème me passionnait et le marché commençait à se libéraliser. Et par la suite, je voulais m'intéresser notamment à l'histoire de cette équipe du FLN. A ce titre, je suis le seul chercheur à rencontrer pratiquement tous les survivants de l'équipe du FLN», témoigne-t-il. Ce qui renseigne sur la valeur du travail qu'il vient d'accomplir. Pourquoi le choix des dates (1954 et 2002) pour ce travail de recherche ? Stanislas répond en disant qu'il s'agit de dates très symboliques. Pour 1954, il s'agit du premier match ayant mis face à face l'équipe de France et une sélection maghrébine en présence de quelques anciens internationaux algériens. Pour l'année 2002, il marque le déroulement du match France-Algérie à Paris. Bien que le match ait lieu au mois d'octobre 2001, l'auteur semble juger plus opportun de «borner» sa recherche en 2002. A propos de ce match, il dira que son interruption, plus le fait que l'hymne français soit hué, est une preuve d'un «apaisement impossible». Stanislas est revenu sur les circonstances du déroulement de ce match, qui ne seraient pas favorables. Pour lui, les deux pays entretiennent des rapports «passionnés, passionnels et passionnants». Interrogé sur la tendance à la baisse du mouvement des footballeurs algériens vers la France, Stanislas déclare qu'il ne dispose pas de données relatives aux dernières années, puisque sa thèse-recherche ne traite pas des footballeurs partis après 2002. Cela ne l'empêche pas cependant de donner des ébauches d'explication sur la tendance à la baisse de ce mouvement. Ce mouvement semble visiblement tirer vers la baisse avec l'apparition ces dernières années d'un mouvement d'un sens inversé dont les contours et les facteurs gagneraient à être étudiés. Il s'agit de celui des Franco-Algériens qui viennent de France pour jouer dans des clubs algériens avec la possibilité de repartir en France. Il faut noter que si Stanislas ne cesse pas de féliciter les anciens footballeurs professionnels algériens l'ayant aidé dans son œuvre, il a noté néanmoins quelques contrariétés rencontrées auprès des instances algériennes, décidément peu familiarisées avec ce genre de travail. Abdelaziz Derouaz, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports présent à la conférence, glissera, à la fin de la conférence, à une oreille toute ouïe, que «ce genre de travail devrait être fait par nous, Algériens». La «mise au point» émane d'un ancien ministre… A. Y.