Les combattants du CNT avaient sans doute besoin de neutraliser les derniers fidèles de Kadhafi pour signer définitivement la «libération» de tout le pays. Il était aussi important pour eux d'en finir avec les interrogations sur le sort de Kadhafi. L'ancien dictateur de Tripoli a maintenu l'énigme jusqu'à ce jeudi 20 octobre 2011, jour de sa capture suivie de son assassinat. Des questions persistent néanmoins sur les mobiles et les implications de cette liquidation. Pourquoi la tentative de maintenir Kadhafi vivant n'a duré que quelques instants ? Y a-t-il des oppositions à un procès Kadhafi ? Le Conseil national de transition (CNT) ne contrôle t-il pas les combattants qui ont vite cédé à la tentation du lynchage? Il semble cependant que les circonstances de la mort de Mouammar Kadhafi ont mit dans l'embarras les membres du CNT. Au vu du récit des événements, le CNT semble avoir rater la démonstration de son autorité, comme il semble avoir failli dans sa communication. Car, c'est bien lui qui a annoncé, dans la matinée de jeudi, la capture de l'ancien guide libyen. Mais le prisonnier de Syrte va passer, dans des circonstances confuses, au stade de …mort. La communication du CNT, certainement gênée devant l'enchaînement des évènements qui ont suivi sa capture, tentera, par la suite, d'écrire son scénario. Scénario selon lequel Mouammar Kadhafi a trouvé la mort au moment de son acheminement vers un hôpital de Misrata. Une thèse difficile à accepter dans le sens où- des images faisant foi- le capturé Kadhafi était encore vivant et sur pieds, bien que des traces de blessures soient très visibles sur son visage. La mort de Kadhafi arrange t-elle les différentes parties de la guerre civile déclarée en Libye ? Pascal Boniface, spécialiste en géostratégie et directeur de l'IRIS, livrait, hier, sur son blog, une lecture des faits. «On peut effectivement penser que sa mort est à la fois un avantage parce que cela évite un procès public, toujours problématique, qui aurait pu lui servir de tribune, et où il aurait pu mettre en accusation ses anciens alliés occidentaux et ses anciens subordonnés libyens. Mais en même temps, le fait qu'il soit mort le fera passer, fût-ce pour une fraction minime de la population libyenne, pour un martyr. Il y a toujours le risque que l'on devienne plus important mort que vivant. C'est un peu le même genre de problématique que l'on a eu avec Ben Laden. Entre deux inconvénients, un procès public et ses aléas d'un côté et le fait de le tuer et en même temps de l'empêcher de s'exprimer de l'autre, on peut penser que c'est le deuxième qui a été choisi, car il a plus d'avantages, même s'il n'est pas tout à fait sans inconvénients», écrit-il. Le postulat selon lequel les dirigeants occidentaux seraient gênés par un procès Kadhafi justifie, à bien des égards, l'idée d'une implication de l'Otan dans la liquidation de Kadhafi. Mais l'Otan vient ainsi d'achever son «œuvre», c'est au CNT d'en payer la facture et de faire face aux critiques émanant de toutes parts. La première vient de l'ONU, qui, quelques heures après la mort de Kadhafi, réclame une enquête sur les circonstances de sa mort. A. Y.