Alors que les Américains s'apprêtent à lancer, le 25 novembre prochain, leur nouveau rover martien Curiosity, les Européens n'ont toujours pas réussi à trouver les sous pour construire le leur…Baptisé «ExoMars», ce dernier devait initialement s'envoler cette année vers la planète rouge à la recherche de traces de vie passées ou présentes. Or, aux dernières nouvelles, il n'est même plus sûr que cet engin motorisé, bardé d'instruments scientifiques, parte en… 2018 comme prévu dans le dernier planning en date. Motif: la Nasa, avec qui l'Agence spatiale européenne (ESA) est en pourparlers depuis trois ans pour réaliser une mission commune baptisée «Joint ExoMars-C», a fait savoir qu'il lui était impossible de s'engager tant qu'elle ne connaît pas son budget 2012-2013. Donc pas avant février prochain, au plus tôt. Pour parer à toute éventualité, Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l'ESA a indiqué, il y a une dizaine de jours, à l'occasion du premier lancement de Soyouz à Kourou (Guyane française), que des pourparlers étaient engagés avec les Russes pour les associer au projet et alléger la facture.À la conférence des ministres de l'Espace de La Haye, en novembre 2008, l'ESA s'était engagée auprès de ses Etats membres à ne pas dépenser plus d'un milliard d'euros dans ExoMars. Or, à l'époque, le budget de la mission atteignait déjà 1,23 milliard d'euros. Et il n'a cessé d'augmenter depuis. Pour trouver l'argent manquant, Jean-Jacques Dordain s'est donc tourné vers les Etats-Unis, très en pointe dans le domaine de l'exploration martienne, depuis l'atterrissage de la sonde Viking, en 1976, et l'incroyable périple des deux rovers Spirit et Opportunity. Dans le projet de collaboration élaboré en juin dernier, la mission a été divisée en deux phases. En 2016, une fusée américaine Atlas V doit lancer une sonde orbitale équipée d'un instrument de mesures de l'atmosphère martienne (TGO) dédié à la recherche de méthane et d'un atterrisseur de démonstration (EDL) qui servira à tester la capacité de l'Europe à faire se poser un petit engin sur Mars. L'orbiteur permettra également de transmettre vers la Terre les données collectées par le Joint ExoMars-C, le nouveau rover issu de la fusion entre le rover américain Max-C et le rover européen ExoMars, qui sera lancé deux ans plus tard, toujours par une Atlas V. S'ils décidaient de s'associer à la mission, les Russes pourraient fournir un ou deux lanceurs Proton, soulageant d'autant la contribution américaine. Mais il faudra alors leur trouver une contrepartie et cela ne résoudrait pas tout, notamment si les Américains décidaient, au printemps, de reporter leur participation. «Il n'est pas question de reculer le calendrier à 2018-2020, avertit M. Dordain. Les contraintes budgétaires de la Nasa, que je comprends, ne doivent pas non plus se traduire par des coûts supplémentaires pour l'ESA.»Une solution consisterait à redimensionner la mission pour faire partir l'orbiteur et le rover ensemble en 2018 sur un Proton ou une Atlas V. Mais cela obligerait à réduire drastiquement l'équipement scientifique et donc l'intérêt de la mission. Un vrai casse-tête et un crève-cœur pour les chercheurs et les ingénieurs sans cesse obligés de revoir leur copie depuis des années. Surtout quand on sait que le futur rover doit confectionner des échantillons de sol martien notamment à partir d'une foreuse, de conception européenne, capable de creuser à 2 mètres sous la surface, là où des traces de vie ont pu subsister à l'abri des rayonnements ionisants. Ces échantillons seraient ensuite récupérés en 2022 lors d'une future mission. Mais tout cela paraît, aujourd'hui, bien loin…