Photo : APS Par Younès Djama Les marins algériens détenus depuis le 1er janvier dernier par des pirates somaliens sont arrivés hier en fin d'après-midi à l'aéroport militaire de Boufarik en provenance du Kenya. Les nombreux journalistes de la presse écrite nationale et des médias internationaux (France 24) ont toutefois, et pour des raisons inexpliquées, été empêchés d'assister à la descente d'avion des ex-otages du vraquier battant pavillon algérien, MV Blida. De leur côté, les proches des seize marins rapatriés attendaient avec impatience l'arrivée des êtres chers. L'émotion était à son comble. L'angoisse des jours incertains a cédé la place à une joie indescriptible. A l'entrée de l'aéroport militaire, les familles des ex-otages venues en nombre piaffaient d'impatience de voir les leurs. «Dieu merci, nous n'avons jamais perdu espoir. Aujourd'hui, c'est le plus beau jour de ma vie», confie, encore sous l'émotion, Mme Aït Ramdane, qui a vu son mari pour la dernière fois il y a de cela 17 mois. Son fils Fawzi affirme que la libération de son père et de ses collègues marins est venue après tant de mois d'angoisse, d'incertitude et de tension. Sa sœur cadette enveloppée de l'emblème national porte une pancarte souhaitant la bienvenue aux marins. Unies par cette épreuve qu'elles ne sont pas près d'oublier de sitôt, les familles ont fait preuve d'une solidarité sans faille. C'est que durant ces moments difficiles, elles ont appris à se connaître, l'épreuve les ayant rapprochées davantage. Comme cette femme d'un des ex-otages, Mme Hennouche, accueillie par une autre famille. Devant l'entrée de l'aéroport, ça discute, ça rit, les étreintes chaleureuses ayant remplacé les pleurs et les sanglots de douleur. Ayant été libéré quelques jours plutôt, le marin Toudji Azzedine relate avec une émotion à peine dissimulée les moments durs passés entre les marins des ravisseurs somaliens. «Tout au long de mes quarante années passées en mer comme cuisinier, jamais l'idée d'être kidnappé par des pirates ne m'a effleuré l'esprit. J'ai sillonné pratiquement le monde entier, nous avons mes collègues et moi bravé les pires conditions climatiques, nous avons entendu parler de rapts en mer mais jamais nous n'imaginions faire l'objet d'un acte de piraterie», raconte ce marin originaire de Dellys, dans la wilaya de Boumerdès. Les voisins et amis des ex-otages ont, eux aussi, tenu à manifester leur soutien indéfectible aux familles. A l'instar de la famille du marin Ould Messaoud de la région des Ath Ouassif, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Le gendre d'un des ex-otages témoigne de l'élan de solidarité remarquable que leur ont témoigné voisins et amis. Présent à l'accueil des marins, Nacer-Eddine Mansouri, DG de l'International Builk Carriers (IBC), filiale de la CNAN et propriétaire du vraquier, a tenu à rendre hommage aux diplomates algériens, aux ambassades d'Amman (Jordanie) et de Nairobi (Kenya) pour les efforts qu'ils n'ont cessé de fournir en vue de libérer les ex-otages. Il s'est néanmoins refusé à toute déclaration concernant les détails de la libération des otages, notamment si l'Algérie a payé de quelque manière que ce soit une rançon aux ravisseurs somaliens. Interrogé sur la possibilité d'indemniser les marins restés captifs des pirates pendants 11 mois, M. Mansouri a indiqué que ses services «sont en train de réfléchir» à cette possibilité, ajoutant toutefois qu'il est encore trop tôt pour parler d'indemnisation. A noter que les marins devaient passer un contrôle médical au niveau de l'hôpital militaire de Aïn Naâdja. Aucune présences officielle à l'aéroport n'a été remarquée. Le traitement humiliant subi par les journalistes partis couvrir un évènement, qu'ils attendaient depuis plusieurs mois, n'était pas à la hauteur du temps et des efforts qu'ils ont fournis pour soutenir la cause des familles des marins. Celles-ci ont trouvé en la presse écrite un appui indéniable. Comble de l'ironie, ce sont l'ENTV et l'Agence Algérie Presse (APS) qui ont été les seuls médias «autorisés» à accéder au salon d'honneur de l'aéroport militaire de Boufarik, alors que ces deux médias lourds appartenant à l'Etat ont fait un «black-out» total tout au long des 11 mois qu'a duré la prise d'otages. D'ailleurs, nombreux étaient les confrères qui s'interrogeaient sur les raisons de ce rapatriement quasiment incognito des ex-otages. De quoi a-t-on peur ? Pourquoi toute cette discrétion, injustifiée par ailleurs ? Il est vrai que l'Algérie s'est bornée à défendre sa position de principe consistant à refuser le paiement d'une rançon aux ravisseurs, elle qui a été l'initiatrice d'une campagne internationale visant à criminaliser le paiement des rançons. Mais, cela justifie-t-il autant d'opacité ?