La panique est générale. Alors que les nouvelles prévisions mondiales du Fonds monétaire international (FMI) qui seront publiés aujourd'hui tablent sur la propagation des conséquences de la crise financière à travers le monde, la Banque africaine de développement (BAD) craint le pire. «L'Afrique est moins exposée en raison de ses relations limitées avec la communauté financière internationale […] mais j'ai des raisons de m'inquiéter sur les effets économiques de la crise financière sur le continent», a déclaré hier le président de la BAD lors d'une rencontre avec la presse au siège provisoire de cette institution à Tunis, selon les informations rapportées par les agences de presse. Ce qui inquiète surtout cette institution financière continentale, c'est l'effet économique à long terme. «C'est l'effet économique à long terme qui nous cause d'énormes soucis», dira le président de la BAD, prévoyant des «retombées variables» selon les pays du continent. Dans le détail, les Etats à économie plus ou moins ouverte au mouvement des capitaux seront les plus touchés par le déséquilibre des taux de change. Mais, de manière globale, les économies africaines devraient être frappées par le fléchissement attendu de la croissance mondiale et une baisse de la demande après une décennie de croissance au taux de 7% grâce à la demande de pétrole et de matières premières (café, cacao…). En d'autres termes, la demande sur les matières premières tendra vers la baisse. Par ailleurs, de nombreux pays au sud du Sahara seront affectés par un recul attendu des transferts financiers de leurs ressortissants émigrés dans les pays de l'OCDE, le volume de ces avoirs dépassant pour certains celui des exportations ou de l'aide publique. On s'attend aussi à ce que la crise financière rende les fonds plus coûteux pour les Etats à revenu intermédiaire. Ces Etats (l'Afrique du Sud, la Tunisie, le Maroc et l'Egypte) n'auront plus l'accès facile aux marchés des capitaux, selon la même source. Le risque de récession est fort probable pour les pays dépendant du tourisme et ceux qui sont déjà fragilisés par la crise alimentaire ou les conflits (Malawi, Centrafrique, Sierra Leone, Burundi, Liberia, Côte d'Ivoire). Les autres soucis de la BAD concernent la remontée du protectionnisme et le coût élevé du sauvetage du système financier qui risque de grever l'aide publique au développement. «Nous allons vers des années sombres, si jamais l'aide au développement devait être considérée comme une dépense non prioritaire», a averti M. Donald Kaberuka. Sur ce point, faudrait-il rappeler la mise en garde du patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, qui estime «absolument nécessaire» que la crise financière en cours dans les économies développées ne se traduise pas par des économies sur l'aide internationale aux pays en développement et sur l'aide alimentaire. Et ce, d'autant que l'on s'attend à une reprise de la crise alimentaire. En effet, même si le FMI prévoit une stabilisation des cours du pétrole et des denrées alimentaires, ils resteront supérieurs à leur niveau d'avant le début de la crise, selon lui. «Une cinquantaine de pays à revenus moyens ou faibles sont aujourd'hui dans la zone de risque», a par ailleurs prévenu le DG du FMI. S. I.