La crise financière internationale a commencé aux USA à la fin de l'année 2007 et s'est vite propagée à l'Europe et aux autres régions du monde dont les économies sont intégrées aux marchés américain et européen. Dans l'autre sens, l'aggravation de la crise en Europe et dans les pays émergents et les tensions économiques et sociales qui en ont résulté avaient accentué les inquiétudes sur les marchés américains. En fait, l'interdépendance des marchés et la globalisation sont devenus, depuis fort longtemps, des facteurs de propagation des effets des tensions et des crises à travers les marchés et l'économie mondiale. La gravité et la complexité de cette crise sont apparues dès son déclenchement à travers l'ampleur des pertes financières et les faillites qui ont touché de grandes banques et d'autres institutions financières, suivies par des effets de propagation ravageurs sur les valeurs boursières, les entreprises, les flux de capitaux et les investissements dans le monde, le commerce mondial, l'emploi et le pouvoir d'achat… Les craintes de départ de responsables et analystes financiers, qui pensaient que cette situation était imputable à des problèmes de liquidités, ont rapidement fait place à une psychose, en raison du désastre financier prévisible qui s'annonçait, devant le constat d'une grave insuffisance de fonds propres des banques et autres établissements de crédits, par rapport à leurs engagements, et des défaillances et pratiques peu orthodoxes du système financier qui s'est trouvé dans l'incapacité d'amortir les effets de cette crise. Depuis ce constat, le vent de panique n'a pas cessé de souffler sur les marchés financiers et, particulièrement, sur les marchés boursiers. Le spectre de la récession économique que pouvait engendrer une telle crise que personne n'osait évoquer (puisqu'on craignait beaucoup plus les risques d'un ralentissement économique), est devenu au fil des mois une triste réalité aux USA et au niveau des pays les plus avancés d'Europe ; tandis qu'un ralentissement sérieux des activités avait commencé à s'étendre sur le reste du monde avec des conséquences sociales préoccupantes. Progressivement, la crise financière s'est propagée en touchant la plupart des pays qui ont dû réagir en prenant des mesures budgétaires et monétaires pour soutenir le secteur financier et préserver la stabilité des marchés. Mais, malgré l'importance des mesures engagées par les gouvernements et les Banques centrales (injections d'importantes liquidités, facilités pour le refinancement, baisse des taux d'intérêt, garanties étatiques, mesures fiscales…), la situation ne s'est guère améliorée. Cette crise a provoqué une inévitable récession de l'économie mondiale, considérée comme la plus grave et la plus complexe depuis les années 30. Le rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR) du FMI, d'avril 2008, avait déjà souligné de façon très claire la nécessité d'une intervention énergique des pouvoirs publics pour amortir les tensions et les grands risques qui menaçaient déjà la stabilité des marchés et, particulièrement, les risques de ralentissement des économies. Ce rapport soulignait déjà, qu' « en dépit des interventions sans précédent des banques centrales, les marchés financiers continuent d'être mis à rude épreuve, situation aggravée par un environnement macroéconomique plus préoccupant, des institutions faiblement capitalisées et un débouclage généralisé des opérations à effet de levier ». Malgré les engagements des gouvernements et des autorités monétaires de la plupart des pays, les marchés financiers et notamment les marchés boursiers, sont restés très instables jusqu'à présent. La crise financière internationale s'est avérée très profonde et complexe et nécessite des mesures plus énergiques, globales et cohérentes. En fait, cette crise a mis en relief la fragilité du système financier international et son incapacité à réagir de façon concertée et efficace pour préserver la stabilité des marchés, contenir les effets de contagion et, surtout, pour rétablir la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds. C'est pourquoi les gouvernements des pays avancés et des pays émergents ont décidé de prendre sérieusement les choses en main, à travers le Groupe des 20 (G20), et en association avec les institutions financières internationales, dont le FMI, en s'engageant dans un système de concertation, de coordination des interventions et de complémentarité des mesures à l'échelle mondiale pour assurer l'efficacité des décisions et des interventions à tous les niveaux. Nous nous proposons, à travers la présente analyse, de rappeler brièvement les éléments d'appréciation des causes et des pratiques à l'origine de la crise financière internationale et qui ont fait l'objet de très nombreux rapports et notes d'institutions et de spécialistes des questions économiques et financières publiées régulièrement, et de passer en revue les aspects les plus importants ayant trait aux effets de cette crise, aux réactions et aux plans de relance engagés et au programme. Enfin, les défaillances des agences de notation qui assument de grandes responsabilités dans l'évaluation des risques sur les marchés financiers (risques liés aux titres émis et notation des banques et des rehausseurs de crédits), n'ont pas signalé les défaillances constatées. Crise du système de régulation et de contrôle La première cause de la défaillance des marchés et des institutions financières et bancaires à l'origine de cette crise financière sans précédent, et dont les conséquences économiques et sociales sont déjà alarmantes, réside dans le laisser-faire des pouvoirs publics, au nom d'une doctrine libérale qui exclut toute entrave au libre jeu des forces du marché. A cela s'est ajoutée la règle de la libéralisation des flux de capitaux et des financements dans le monde qui a contribué à une intégration de l'essentiel des pays de la planète dans un processus de mondialisation dont le boom a été largement soutenu par les innovations financières. Nombreux sont les analystes qui ont accusé les autorités gouvernementales et monétaires en charge du contrôle et de la supervision des institutions financières et bancaires et des marchés d'avoir failli à leurs missions et à leurs responsabilités. Il est vrai qu'un grand laxisme a accompagné l'exubérance des marchés financiers durant les quinze dernières années, particulièrement aux USA. Mais les mesures de régulation et de surveillance n'ont pas suivi l'évolution des marchés et des pratiques. Devant ce vide, certains vont jusqu'à reconnaître que les systèmes de régulation, dans tous les pays, n'ont pas constitué une grande préoccupation. D'autres, par contre, ont soulevé l'interrogation suivante : quelles politiques macroéconomiques et quelles règles macroprudentielles auraient pu contenir une telle explosion des flux financiers, des nouveaux produits financiers et de nouvelles techniques de financement et de titrisation ? C'est là l'aveu que tout le monde a été dépassé, à la fois par les innovations financières, l'expansion et le développement des activités et les résultats dégagés. Comme précisé plus haut, les marchés se sont envolés sous l'effet d'allocations de crédits, sans tenir compte de critères de solvabilité ; les banques et les organismes de crédits se sont engagés avec des prises de risques sans prudence et sans limite. Les défaillances des Banques centrales dans leurs missions de supervision et de contrôle (le G20 ayant reconnu récemment « l'échec de la régulation et des contrôles du secteur financier »), nous amène à soulever la question suivante : que faisaient les pouvoirs publics et les autorités monétaires lorsque les banques et les établissements de crédits se livraient à des financements sans limites et à des prises de risques excessives ? C'est justement cette question qui fait dire à certains spécialistes que la crise financière internationale est aussi le résultat des politiques macroéconomiques de certains pays et, à leur tête, les USA. Que ces politiques soient mal conçues ou mal appliquées ou non contrôlées, elles s'articulent toutes autour d'un système d'économie de crédit qui incite les banques et les institutions financières à tout financer. Tous les acteurs (Etat, banques et établissements de crédits, fonds de pension, fonds spéculatifs, entreprises, individus), se sont intégrés totalement dans le système ainsi conçu qui donne la primauté à la consommation. Le crédit étant une nécessité pour soutenir le système, d'autant plus que la croissance était au rendez-vous, l'intérêt des banques et des institutions financières et leurs financements sans limites se sont imposés à tous. Crise du système financier Pendant une quinzaine d'années, le système financier et les marchés ont bien tourné. Ils ont soutenu la croissance américaine et celle de l'économie mondiale et ont contribué à l'expansion du commerce international et de l'investissement à travers le monde. Cependant, l'évolution de l'économie mondiale, les résultats et les avantages qu'elle a engendrés, confirment bien que la globalisation et l'intégration des marchés ont été conçus en tant que moyens de promotion et de développement des économies US et occidentale. Mais, la forte interdépendance (ou interconnexion) des économies a également fait de la globalisation un facteur majeur de diffusion des crises. Compte tenu des effets ravageurs de la crise actuelle, certains analystes vont jusqu'à conclure que la globalisation a échoué. Mais, lorsqu'on s'attarde sur les conditions d'évolution de la globalisation et sur les acteurs de cette évolution, on constate que c'est le système financier, au sein duquel le secteur privé joue un rôle déterminant, qui a été à l'origine, l'artisan et le principal bénéficiaire de cette évolution. Le système financier, dans son évolution tirée par l'expansion de l'économie mondiale et les résultats positifs dégagés, a intensifié les risques et les a dilués à travers les nouveaux produits et les formules de titrisation signalées plus haut. En fait, les spécialistes eux-mêmes reconnaissent la complexité des nouveaux instruments financiers structurés. Le marché américain, point de départ de la crise provoquée par l'inobservation de règles prudentielles et la défaillance du système de gestion des risques, a eu un effet de contagion sur le reste du monde qui confirme que le système financier mondial a évolué en développant des mécanismes et des pratiques qui peuvent généraliser les tensions et les crises. Les risques pour la stabilité financière mondiale nous renvoient à des interrogations sur l'efficience du système financier international et sur les règles de supervision et de contrôle. Et c'est cela qui a aussi contribué à l'aggravation de la crise et surtout à la perte de confiance sur les marchés. Ainsi, les graves inquiétudes des épargnants et des investisseurs et leur perte de confiance ont donné lieu à des retraits importants de capitaux privés des circuits de financements. Les marchés interbancaires ne trouvent plus de ressources en raison des risques d'insolvabilité et de l'absence de garanties. Les marchés des valeurs mobilières, pour leur part, ont subi un effondrement des cours et des pertes considérables. Même les réactions face à la crise ont démontré que le système financier n'avait ni l'organisation, ni le système de coordination, ni les ressources, ni les mécanismes de prévention et de réaction face aux turbulences et aux crises. Enfin, jusqu'à la réunion du G20 du 2 avril 2009, les réactions et les solutions face à la crise actuelle ont, pour l'essentiel, consisté en la recherche de liquidités pour détendre les marchés. Ceci a nécessité, jusqu'à présent, des plans budgétaires de relance et une intervention accrue des Banques centrales. Ces dernières, devant l'ampleur des besoins de refinancement, sont devenues des sources de financement de 1er ressort et d'unique ressort. Pour leur part, les institutions financières internationales (le Fonds monétaire international et la Banque mondiale) ainsi que l'Organisation mondiale du Commerce, dont les fonctions officielles telles que définies dans leurs statuts et leurs discours sont l'organisation et le soutien de l'aide au développement, la régulation du financement, la prévention des crises et le renforcement de la stabilisation dans le monde, le développement d'un système commercial multilatéral équitable, ainsi que la réduction de la pauvreté, sont devenus, depuis très longtemps, des institutions d'ouverture des économies et des marchés, de promotion de la compétition, de libéralisation des mouvements de capitaux,… Même les tentatives d'intervention du FMI pour aider certains pays sévèrement touchés par cette crise se sont confrontées à une insuffisance des ressources financières de cette institution. Crise éthique du système capitaliste mondial Aux responsables d'institutions financières et monétaires qui avaient déclaré que la crise actuelle était imprévisible, des spécialistes avaient répondu que c'est la seule crise qui était prévisible. Cette réponse découle du fait que le système financier, dans son évolution, n'a pas cessé d'intensifier les risques et de développer de plus en plus d'opacité. Les banques n'arrivent plus à limiter l'expansion du crédit ni à se contrôler. Le risque-système et le risque management n'avaient plus de place. A ces risques sont venus s'ajouter toutes les pratiques spéculatives qui se sont intensifiées dans une seule optique : réaliser des superprofits dans des délais extrêmement courts. Les hedge funds (fonds spéculatifs), qui sont connus pour l'importance de leurs prises de risques sur les marchés, se sont fortement démultipliés durant ces dernières années. De même, les fonds souverains (fonds d'investissements des Etats), les fonds de pension et les autres catégories de fonds d'investissements ont vu leur nombre augmenter considérablement. Tous ces fonds exercent une telle influence sur les marchés financiers que leurs actions spéculatives sur les marchés secondaires et sur les marchés boursiers peuvent entraîner des turbulences et provoquer une instabilité dont la propagation aux autres marchés et dans toutes les régions du monde est inévitable. La crise actuelle était donc prévisible. La récession économique engendrée par cette crise, avec ses effets dramatiques sur le plan social, démontre à quel point la globalisation financière est porteuse de risques et d'inconvénients entretenus et développés par l'intégration des marchés et les innovations financières et soutenus par la capitalisme mondial. L'éclatement de cette crise a révélé au monde entier que le laisser-faire dans le secteur financier et l'irresponsabilité des institutions de contrôle ont ouvert la voie à des excès inimaginables dans l'allocation du crédit, et à des pratiques immorales sur le plan des techniques financières et de la spéculation par les acteurs des marchés financiers. Ceci a remis en cause tous les équilibres et a provoqué, en même temps, des situations dramatiques dans le monde. Si les effets économiques et sociaux de la crise sont durement ressentis par les pays avancés et émergents (faillites bancaires, fermetures d'entreprises et licenciements massifs, baisse de la croissance…), force est de reconnaître que les pays en développement et les pays pauvres sont exposés à des conséquences plus graves et même à des drames humanitaires. Des personnalités politiques et des spécialistes des questions économiques et financières des pays avancés ont réagi en dénonçant la libéralisation excessive des marchés, les pratiques spéculatives qui ont accompagné l'innovation financière et toutes les pratiques malsaines et immorales qui les caractérisent et l'absence d'une régulation par les pouvoirs publics. Certaines opinions s'interrogent aujourd'hui et se demandent si l'économie libérale et l'ouverture des marchés sont les meilleures voies ? La question de l'éthique du système capitaliste est relancée avec vigueur à travers le monde et soutenue par des associations non gouvernementales. Aujourd'hui, on est en droit de s'interroger sur le rôle des banques et des institutions financières : doivent-elles soutenir la croissance et la vie économique ou se limiter à la spéculation pour le seul profit des actionnaires et des spéculateurs ? Enfin, y a-t-il une éthique lorsque des pertes financières colossales d'institutions privées sont amorties par des fonds publics fournis par les contribuables ? Et quel est l'ordre moral qui prévaut dans le monde de la finance lorsque les aides de l'Etat pour le sauvetage de la situation sont allouées par les banques sous formes de bonus à des traders artisans de la spéculation et de prises de risques excessives, à l'origine de la crise actuelle ? Les effets de la crise financière internationale Selon certains avis, jusqu'à présent la crise financière internationale n'a pas encore dévoilé tous ses effets. Malgré l'importance des efforts et des fonds consentis par les Etats et les institutions financières internationales pour y faire face, d'autres effets sont attendus tout au long de l'année 2009. Selon le directeur général du FMI., Dominique Strauss Kahn, « 2009 sera presque, certainement, une année épouvantable. Nous nous attendons à ce que la croissance s'enfonce profondément dans le rouge. » (point de presse fait le 16 avril 2009). Les pertes d'actifs « toxiques » de l'ensemble des institutions financières américaines sont évaluées à 2700 milliards de dollars US sur la période 2007-2010, alors qu'au niveau mondial ces pertes devraient être de l'ordre de 4000 milliards de dollars US sur la même période. Durant toute l'année 2008, les turbulences se sont accentuées, tandis que les faillites de banques et d'institutions financières se démultipliaient aux USA et en Europe. La perte de confiance sur les marchés était générale, d'autant plus que chaque jour des informations faisaient état de pertes financière énormes au niveau des banques et des grandes entreprises que l'on croyait des plus saines et des plus performantes. Les institutions financières et bancaires se sont retrouvées confrontées subitement à de graves problèmes de liquidités et à une absence totale de financements. Même les marchés interbancaires ont connu une paralysie. Ils ne mobilisaient plus de ressources en raison de l'absence de garanties et de la perte de confiance entre banques. L'absence de liquidités et le resserrement des flux financiers, l'effondrement de grandes banques et les résultats catastrophiques du reste des institutions et des entreprises ont eu des effets sur toutes les activités économiques et ont entraîné un net ralentissement des investissements dans le monde, une baisse sensible de la demande et des problèmes de soutien de la croissance dans beaucoup de pays. Les pays émergents et les pays en développement sont les plus touchés par la baisse des flux de capitaux et des investissements. Pour sa part, le commerce mondial a connu un sérieux ralentissement sous l'effet de cette crise. Cette dernière a non seulement compromis l'expansion du commerce mondial en raison de la rareté des financements et des flux de capitaux, mais a favorisé des réactions protectionnistes de nombreux pays (protection des marchés et des entreprises locales, subventions …). Aujourd'hui, beaucoup de pays émergents ou en développement s'inquiètent très sérieusement pour leur stabilité économique et le soutien de leur croissance suite à une baisse importante de leurs exportations. En fait, les résultats économiques affichés par les pays avancés et les pays émergents, mensuellement et trimestriellement, tout au long de l'année 2008 et durant le 1er trimestre 2009, ont déjà annoncé une évolution et des perspectives désastreuses pour l'économie mondiale. En effet, malgré les interventions énergiques des gouvernements et des Banques centrales qui ont alloué d'énormes ressources pour assurer la liquidité des marchés et engagé d'ambitieux plans d'action de relance budgétaire, la crise a eu des effets sur l'économie réelle. Un recul de l'activité économique de grande ampleur a commencé aux USA et a été enregistré progressivement dans les pays avancés et dans le reste du monde. Les statistiques sur la production confirmaient l'état de récession dans lequel plongeaient la plupart des économies. En avril 2009, les statistiques publiées font état d'une chute de plus de 7% du produit intérieur brut (PIB) mondial durant les 6 derniers mois. Cette crise a surtout fait mal aux populations les plus pauvres du monde. Bien que les effets sur les économies des pays industriels soient très graves, il n'en demeure pas moins que les pays émergents et les pays pauvres resteront, certainement, les plus touchés. Ils subissent, en effet, plusieurs chocs : celui de la baisse de leurs exportations sous l'effet de la chute de la demande mondiale et des mesures protectionnistes ; celui d'une réduction substantielle des financements extérieurs et des rentrées de capitaux, sous l'effet de la perte de confiance des investisseurs et du système financier mondial ; celui des restrictions sociales internes qui peut engendrer d'autres instabilités. Selon les analystes, les conséquences humanitaires de cette crise pourraient être absolument dévastatrices, d'autant plus que les pays les plus pauvres et endettés n'ont pas encore vu les promesses d'aide au développement et de lutte contre la pauvreté se concrétiser. Les économies de tous les pays connaissent soit une récession, soit un sérieux ralentissement. Dans tous les cas, les conséquences sociales ne sont pas des moindres. Fermetures d'entreprises et licenciements massifs : ce sont des dizaines de millions d'emplois perdus dans le monde. Réaction face à la crise et plans de sauvetage Les réactions d'urgence des Etats, intervenues dans un climat de graves turbulences et d'un vent de panique généralisés ont donné lieu à des décisions inattendues sur le plan doctrinal des politiques américaine, britannique et européenne, des autres pays à économie libérale et même des institutions financières comme le FMI . Les premières et uniques mesures engagées dans ce cadre impliquent une intervention accrue des Etats par des mesures de détente monétaire et de relance budgétaire. Les mesures immédiates et à court terme ont consisté en : la mise à disposition des institutions financières et bancaires de liquidités suffisantes pour la stabilisation des marchés et le rétablissement de la confiance ; l'identification et l'assainissement des actifs improductifs (actifs toxiques) ; la recapitalisation des institutions fragiles, mais viables. Ce sont, d'ailleurs, ces mêmes mesures que le FMI a recommandées lors des récentes réunions de printemps d'avril 2009. Les USA avaient engagé un plan de sauvetage en septembre 2008 (plan Paulson) pour plus de 700 milliards de dollars qui a été voté difficilement par le Congrès. Ce plan avait suscité le pessimisme de nombreux spécialistes des questions économiques et financières qui avaient une idée du désastre qui allait apparaître au niveau de l'économie réelle. D'autres ont considéré que ce plan n'était ni compréhensible ni réaliste. Quelques mois après (en février 2009), le président des USA, Barack Obama, faisait adopter son plan de relance de l'économie américaine par le Congrès et avait précisé dans un discours : « Je ne veux pas prétendre qu'aujourd'hui marque la fin de nos problèmes économiques. Ni que cela doive constituer tout ce que nous devons faire pour relancer notre économie. Mais aujourd'hui marque le début de la fin… ». D'un montant de 787 milliards de dollars, ce plan prévoit d'importantes dépenses budgétaires dans les secteurs des infrastructures (routes, grands ouvrages, éducation, de la santé, des énergies renouvelables…). Des programmes à fort contenu en emplois surtout (sauvetage et création de 3,5 millions d'emplois en deux ans). Des allégements fiscaux sont également prévus par ce plan pour soutenir l'emploi, le pouvoir d'achat et relancer la consommation, ainsi que des aides sociales pour les chômeurs et les démunis. Malgré l'importance de ce plan, qui a été bien apprécié aux USA et dans le monde et le caractère fortement mobilisateur du discours du président américain, certains analystes ont considéré que la situation restera très difficile et qu'il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour consolider la stabilité et voir pointer une reprise de la croissance. Le plan de relance budgétaire coûtera très cher aux Américains ; selon les dernières prévisions, le déficit budgétaire devrait atteindre 1750 milliards de dollars en 2009. En Europe, la Commission européenne avait invité les gouvernements des 26 pays membres de l'Union à s'engager sur un plan de relance budgétaire sur une période de deux années (2009-2010), pour un montant de 130 milliards d'euros (1% du PIB européen). Les appréhensions concernant l'envolée des déficits budgétaires ont été bien intégrées dans le plan, puisque la Commission européenne autorisait, explicitement, les déficits budgétaires « excessifs » (c'est-à-dire bien plus élevés que le plafond de 3% autorisé par le pacte de stabilité). Diverses mesures fiscales ont été également retenues pour soutenir le pouvoir d'achat et encourager la consommation. Aussi bien aux Etats Unis qu'en Europe, le déficit budgétaire n'est plus considéré comme une contrainte ou un handicap, mais il est devenu la solution à tous les problèmes du monde de la finance, au moment où les Banques centrales, pour leur part, sont devenues la source de financement et prenaient pratiquement la place des banques commerciales. Pour soutenir le retour à la stabilité financière et relancer la consommation et l'activité économique, les Banques centrales avaient réduit les taux d'intérêt à des niveaux surprenants. Ainsi, la FED avait ramené son taux directeur à un niveau très bas, en fixant une marge de variation de 0 à 0,25 %. La Banque centrale européenne vient de réduire son taux directeur à 1%. Pour ce qui est de l'assainissement des portefeuilles créances des banques, il est à noter que la méthode d'évaluation des actifs improductifs reste à définir. Le problème réside dans l'appréciation de l'évolution des activités économiques pour s'assurer d'une anticipation maîtrisée des revenus futurs liés à ces actifs. S'agissant de la recapitalisation des banques et des institutions financières en difficulté, celle-ci coûtera cher aux pays avancés. Cette opération, qui devrait se faire sur des fonds publics, pourrait nécessiter, selon de récentes évaluations, près de 500 milliards de dollars pour les banques américaines, 900 milliards de dollars pour les banques européennes et 250 milliards de dollars pour les banques britanniques. La recapitalisation des banques s'inscrit dans une optique de regain de la confiance des marchés. C'est pourquoi le FMI et d'autres institutions proposent que cette mesure soit engagée pour des prises de participations sous forme d'actions ordinaires. Cette idée avait été déjà lancée par l'ancien président de la FED (Reserve fédérale américaine), Alan Greenspan, qui avait recommandé « une nationalisation temporaire de banques afin de faciliter une restructuration rapide et ordonnée ». Toute opération d'amélioration des fonds propres des banques devrait être accompagnée d'une évaluation des capacités managériales, de l'efficacité des systèmes de gestion et des performances des banques, dans l'objectif d'apprécier leur volatilité. Des garanties sont données par les Etats au moment même où ils injectent d'importantes liquidités pour encourager les marchés interbancaires et rétablir la confiance entre les institutions. Et, bien plus, les institutions financières internationales, et notamment le FMI, invitent les Banques centrales à poursuivre leurs efforts de détente de la politique monétaire et de soutien du crédit, mais en laissant le soin « au secteur privé de prendre les décisions d'affectation du crédit ». La forte réduction des taux directeurs par les Banques centrales a enlevé aux taux d'intérêt leur rôle dans la régulation monétaire et financière. En effet, quelle marge utiliser et quelle régulation monétaire attendre lorsque les taux varient de 0% à 0,25% ? C'est la première fois dans l'histoire de l'économie américaine qu'une telle marge de fluctuation est appliquée. Le recours à des mesures non conventionnelles était devenu incontournable. Par contre, comme signalé plus haut, la situation est devenue un peu complexe au niveau de certains pays émergents, confrontés au problème de réduction des flux de capitaux et de fragilisation de leur position financière extérieure. Il est à noter l'initiative prise récemment (en avril 2009) par 13 pays de l'Asie du Sud-Est, qui ont institué un fonds d'urgence doté de 120 milliards de dollars destinés à renforcer les liquidités des pays de la région qui en ont besoin. A ce plan vient s'ajouter une aide de 61,5 milliards de dollars que le Japon s'engage à apporter pour soutenir cette initiative. Ce plan devrait susciter le retour de la confiance au niveau des marchés asiatiques. Il est aussi à signaler une récente initiative du FMI qui a mis en place, en mars 2009, une nouvelle formule de crédit appelée « ligne de crédit modulable », ouverte aux pays performants pour amortir les effets de la crise. Le Mexique est le premier pays à profiter de cette ligne de crédit. De nombreux spécialistes ont exprimé des inquiétudes sur les conséquences de cette détente de la politique monétaire soutenue et mise en œuvre par tous. En effet, l'injection massive de liquidités pour détendre les marchés et favoriser un retour rapide de la stabilité financière peut avoir, à terme, des effets indésirables et dangereux pour la stabilité économique. La crise actuelle est la conséquence d'excès de financements ; mais les solutions pratiquées jusque-là, c'est aussi du financement en liquidités qui risque de conduire aux surliquidités des économies et aussi, à terme, à d'énormes problèmes de surendettement qui, pour le moment, ne semble pas être une grande préoccupation aussi bien pour les pays que pour les institutions financières internationales. Enfin, le recours incontournable à la création monétaire pour satisfaire les besoins en liquidités ne manquera pas d'avoir des conséquences inflationnistes et pourrait entraîner la chute de certaines monnaies. (a suivre) L'auteur est : parlementaire, ancien ministre