Relativement épargnée au début de la crise financière mondiale, l'Afrique se retrouve en première ligne, amenant le FMI à convoquer, aujourd'hui et demain, à Dar Es Salam dirigeants et décideurs du continent pour trouver une parade à un nouveau cataclysme. Protégée dans un premier temps par sa faible implication dans le système financier mondial, l'Afrique voit les menaces à court terme s'accumuler sur son économie, avec de potentielles conséquences humaines et sociales désastreuses pour les populations. Selon la Banque mondiale, les besoins de l'ensemble des pays en développement sont cependant bien supérieurs. Dans un document publié dimanche, la Banque estime, en effet, que le déficit de financements de ces pays sera compris entre 270 et 700 milliards de dollars pour la seule année 2009. "Seulement un quart des pays en développement ont la capacité de financer des mesures" visant à limiter l'impact de la crise, s'alarme la BM. Ces pays vont être confrontés à la fois à une baisse de leurs revenus et à la diminution probable des financements de pays développés, en manque de capitaux. Même en considérant l'hypothèse la plus optimiste de son évaluation, la Banque mondiale a averti que les réserves des institutions internationales ne suffiraient pas à répondre aux besoins d'un nombre croissant de pays émergents. La semaine dernière, le Fonds monétaire international prévoyait que les pays en développement auraient besoin en 2009 de 25 à 140 milliards de dollars pour boucler leurs budgets. Avant la crise, les pays africains enregistraient des taux de croissance parmi les plus élevés au monde. Dans ses prévisions pour 2009, le FMI a d'ores et déjà révisé à la baisse ses prévisions pour le continent. La baisse du commerce mondial touche en effet directement des économies largement dépendantes de leurs exportations de matières premières. Pour amortir le choc, le patron du FMI estime que l'Afrique a besoin de financements supplémentaires de l'ordre de 11 milliards de dollars dans les cinq ans. "Après avoir frappé les pays industrialisés et ensuite les marchés émergents, une troisième vague de la crise financière mondiale frappe maintenant les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, et elle frappe durement", relevait la semaine dernière, Dominique Strauss-Kahn, en présentant une étude à Washington. Selon la note de la Banque mondiale, ces Etats doivent notamment affronter une chute de leurs exportations, d'autant plus que le repli des cours des matières premières et la diminution des versements envoyés par leurs ressortissants à l'étranger ne font qu'aggraver le problème. Le défi qui attend les pays en développement consistera, avec moins de ressources, à trouver le moyen de maintenir, voire d'augmenter des dépenses vitales, notamment dans la protection sociale, le développement humain et les infrastructures de première nécessité. Cependant, les pays qui seront le plus touchés dépendent fortement des aides extérieures des pays riches, qui risquent de les diminuer en raison de leurs propres difficultés budgétaires. Une chose est sûre, la conférence de Dar Es-Salam sera l'occasion pour les dirigeants des pays africains, de se faire une idée plus claire de la meilleure manière de défendre leurs intérêts. Mais quelles que soient les analyses, la tonalité des interventions risque d'être alarmiste. Dès février, les dirigeants du continent avaient fait part de leurs vives inquiétudes lors du sommet de l'Union africaine (UA) à Addis Abeba. Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, avait alors insisté sur la gravité d'une crise "orientant davantage l'agenda de la communauté internationale vers le sauvetage et le renflouement des institutions bancaires et financières que sur le financement du développement". "Au même moment, les économies et les populations africaines s'apprêtent à subir de plein fouet les conséquences de ces crises dont elles ne sont nullement responsables", avait-il souligné. Adnane Cherih