Les échos qui nous sont parvenus sur l'état d'avancement de la récolte, appréciations confortées par certains membres de la filière oléicole, font état d'une nette régression des récoltes en comparaison à la campagne oléicole de 2010 /2011. Cette révision à la baisse des cueillettes s'explique au sein de la filière par la particularité de l'olivier qui ne donne de bon rendement qu'une année sur deux. On dit aussi que la production oléicole explose tous les dix ans. Un effet du hasard ou une réponse du berger à la bergère. Et comme la cuvée 2010/2011 a été qualifiée d'exceptionnelle, cela peut conforter cette thèse. Laquelle est complètement contrecarrée par des agronomes spécialisés dans ce type de culture. Ils en apportent pour preuve le fait que beaucoup d'oléiculteurs continuent à ne pas respecter les techniques culturales notamment pendant la récolte. «Ce faisant, ils abîment les repousses, et du coup cela affecte la production de l'année qui suit», expliquent-ils. Et de souligner «des facteurs de nuisance dont on peut facilement mesurer l'impact sur la qualité de la production seulement une fois la campagne oléicole terminée.» Ces derniers déplorent qu'aucune sensibilisation ne soit menée pour «convaincre les propriétaires de vergers de l'intérêt de ménager les oliviers lors de la cueillette et non pas de les livrer à des cueilleurs qui agissent dans le seul intérêt de faire vite et qui pour ce faire s'attaquent aux rameaux en les arrachant». Des pratiques qui, malheureusement, ont tendance à se généraliser. «On cherche avant tout à cueillir un maximum de fruits au détriment de la survie de l'olivier», s'indignent des agronomes. Des mauvais traitements de l'olivier qui du reste peuvent être à l'origine de la baisse de la production. Dans cet ordre d'idées, les communes de Sig, d'Aït Rzine (wilaya de Béjaïa) et de Maâtkas (wilaya de Tizi-Ouzou) classées au premier rang, sur un total de 1248, des communes les plus productrices lors de la précédente campagne avec respectivement 110 000 quintaux (q) , 90 900 q et 87 000 q, peuvent s'attendre à des niveaux de cueillettes inférieurs à la campagne précédente et perdre, ainsi, leur statut de communes leaders dans la production. Pour revenir aux prévisions basses de la récolte actuelle, chez les gros producteurs d'huile d'olive on ne parle plus de qualité de la cueillette comme c'était le cas auparavant mais plutôt des quantités d'olives qu'ils vont pouvoir réceptionner. «Seront-elles suffisantes pour au moins amortir les dépenses de cueillettes et de quoi payer les oléifacteurs», s'interrogent-ils. L'inquiétude est aussi présente chez les jeunes patrons de huilerie, qui pour la plupart n'ont pas encore remboursé leur crédit d'investissement, du fait de voir leur installation tourner à très faible régime quand ce n'est pas l'arrêt total de leur activité qui s'impose faute de clients. C'est dire également que la mauvaise récolte aura des répercussions aussi bien en amont qu'en aval. En clair, tout comme les propriétaires de vergers qui vont se voir pénalisés par les faibles rendements, les oléifacteurs le seront de même. Et par là même, l'offre en huile d'olive n'en sera que minime ce qui ouvrira la voie à la surenchère de ce produit dans sa commercialisation au détail. Devant ce déséquilibre flagrant entre l'offre et la demande qui s'annonce et qui selon des spécialistes en la matière ne devrait pas avoir lieu en partant de la donne suivante : le ministère de tutelle avait lancé en 2005 tout un programme spécial pour le développement de l'oléiculture en intensif (400 plants par hectare). Un programme qui a permis la réalisation de 13 410 ha à travers 15 wilayas des régions steppiques et la bande présaharienne. Cela dit, on peut supposer que cet ajout de la surface des vergers oléicoles ne s'est pas encore manifesté en termes de production ou bien une grande partie de ce programme s'est soldé par un échec cuisant en ce sens où des milliers de jeunes plants d'oliviers ne sont pas développés. La cause, «elle peut venir de la mauvaise qualité des jeunes plants ou du manque de professionnalisme des agriculteurs qui, suite aux mesures d'encouragement et d'aides accordées par le ministère de tutelle, se sont empressés à se lancer dans ce type de culture sans pour autant bien se renseigner sur les techniques culturales indispensables pour le développement des jeunes plants d'oliviers», révèlent des agronomes proches du dossier. Ils diront aussi que tout ce qui a été planté jusqu'ici comme olivier n'est pas encore suffisant. «Il faudra un autre programme d'extension du verger national oléicole, compte tenu du nombre d'oliviers séniles. En effet, un peu moins de la moitié du verger oléicole est âgée de plus de 50 ans. Comparativement à nos voisins, la tranche d'oliviers séniles est de 15% au Maroc et de 25% en Tunisie. Cette catégorie d'oliviers du fait qu'elle fut trop longtemps négligée est devenue faiblement, voire totalement improductive. Pour combler ce manque de production, il faudra encore attendre deux ou trois années, le temps nécessaire aux jeunes plantations d'entrer en production. D'ici là, le prix de l'huile d'olive va continuer son ascension. La dérisoire consommation moyenne par habitant, qui ne dépasse pas le litre et demi d'huile d'olive, n'est pas près de changer. L'alternative d'importation de ce produit noble sera encore de mise. Z. A.