Autour d'une table ronde organisée hier au forum d'El Moudjahid sur le thème de la gestion des catastrophes naturelles, des experts, des représentants de ministères et ceux des institutions d'intervention se sont exprimés, à tour de rôle, pour faire un état des lieux de la gestion des catastrophes en Algérie. Certains ont vanté les efforts de l'Etat dans ce domaine, d'autres ont mis en exergue ses lacunes. En résumé, chacun a essayé de disculper son secteur et de mettre la responsabilité de la gestion kafkaïenne des catastrophes sur le dos de «X». Une projection sur la zone inondable de l'oued Mzab et une simulation en modèle physique réduit ont été présentées par une cadre du Laboratoire d'études maritimes (LEM) où il a été démontré qu'une fois que les ouvrages hydrauliques seront terminés au niveau de cette zone, les risques d'inondation seront réduits pour une crue d'une période de retour donnée. Les études de ce projet ont été lancées par le ministère des Ressources en eau en 1995 et effectuées par un bureau suisse. Une partie du projet a été réalisée jusque-là, il s'agit de la digue d'une hauteur de 14 mètres grâce à laquelle, selon le représentant du ministère des Ressources en eau, une plus grande catastrophe a été évitée, la digue retenant plus de 27 millions de m3, un cumul des eaux du grand bassin versant de la région. En prenant la parole, M. Bendaoud, le président de l'Association des architectes algériens, s'est interrogé sur les raisons du retard dans la réalisation de ce projet. Il a également reproché aux collectivités locales leur retard dans la réalisation des POS et PDAU de chaque commune. «Chaque commune aurait alors sa carte des zones inondables et les mesures nécessaires vont alors être prises». Répliquant à cette remarque, le représentant du ministère des Ressources en eau a rappelé alors que l'Algérie était en cessation de paiement en 1996 et que les projets n'avaient pu être redynamisés qu'en 2000. L'intervention de la représentante de l'Office national de météorologie (ONM) a été brève. De fortes pluies sont tombées sur la région du Mzab depuis le 21 septembre «entre le 26 et le 30 septembre, 40 mm sont tombés à Ghardaïa mais aussi 106 à Béjaïa. Ce que je veux dire par là, c'est que les pluies ne sont pas le paramètre prépondérant qui cause les inondations». L'essentiel, selon l'intervenante, est que son organisme joue le rôle de la prévention et le BMS a été envoyé pour Ghardaïa. M. Belazouki, un expert de la gestion des catastrophes, est revenu, quant à lui, sur la loi de 2004 portant sur la gestion de celles-ci. «Il faut un organisme pour gérer les catastrophes et les prévenir. Il suffit d'appliquer la loi qui existe.» Ce n'est pas de l'avis de l'ex-colonel de la Protection civile, M. Boubeker qui soutient : «Nous n'avons jamais mis en application la loi de 2004 ni le plan ORSEC. Nous sommes donc dans l'incapacité de connaître leur efficacité.» D'autres intervenants ont suivi qui pour avouer qu'il s'agit «du même débat», qui pour affirmer : «Nous avons avancé dans les écrits mais sur le terrain aucun enseignement n'a été retenu des sinistres précédents.» Il y a eu aussi l'estimation provisoire du représentant de l'Agence nationale des ressources hydrauliques (ANRH) : «La crue qui s'est abattue sur Ghardaïa est plus que centenaire.» A la question de savoir qui avait la responsabilité de prévenir les habitants des constructions sur le lit de l'oued Mzab du risque de débordement surtout que le BMS a été envoyé à toutes les structures concernées (collectivités locales, Protection civile, direction de l'hydraulique…) et que normalement des mesures quotidiennes sur la montée des eaux sont effectuées au niveau des oueds par les services concernés (ANRH), aucune réponse claire n'a pu être apportée. Le représentant du ministère de l'Habitat a affirmé qu'il vaut mieux éviter de désigner un responsable alors que M. Chelghoum, Dr en parasismique et membre de la futur commission de la gestion des catastrophes naturelles en Méditerranée, a reconnu que «la situation kafkaïenne de gestion des catastrophes dans laquelle on se trouve est unique. Il est vrai que prévenir d'un séisme est difficile mais il est possible de prévenir d'une crue et le débordement des oueds. On peut donner l'alerte. Mais comme il y a une absence de gestion des risques majeurs en Algérie, il y a absence de responsable direct. Quant à la loi de 2004, je pense qu'elle est déjà obsolète et qu'il faut la repenser et mettre peut-être une cartographie des risques pour chaque région». H. Y.