De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati C'est une logique implacable qui existe depuis toujours dans notre pays qui fait que ceux qui reçoivent en quantité sont ceux précisément qui en ont déjà. «Zid L'ma L-b'har» (ajouter de l'eau à la mer), dit-on dans une célèbre expression populaire qui traduit également la triste réalité des associations sportives qui évoluent dans les divisions régionales et les championnats de wilaya. A Tizi Ouzou, l'ogre qu'on appelle Jeunesse sportive de Kabylie ne laisse rien aux autres, qu'ils soient sociétaires du championnat de wilaya ou des trois divisions régionales. Pourtant, la JSK dispose de nombreux sponsors majeurs qui ne lésinent pas sur les moyens pour qu'on puisse les associer d'une manière ou d'une autre au club le plus titré et le plus prestigieux d'Algérie et même l'un des meilleurs sur le continent africain. Des milliards sont donc engrangés par le club de Kabylie grâce aux nombreux sponsors de renom comme Peugeot, Djezzy, Col, Sonatrach, Enap, Soummam et Novo Nordisk, mais aussi grâce à d'autres sources de financement telles que la billetterie. Beaucoup de clubs de première division envient la situation financière de la JSK mais cela n'empêche pas les dirigeants du club kabyle de revendiquer des subventions de la part de l'Etat, histoire de «sucer» encore cet Etat amené à «négliger» les clubs des divisions inférieures, en leur distribuant des subventions dérisoires à la limite du ridicule. Le président de la JSK clame souvent les difficultés financières de son club, particulièrement après avoir obtenu un titre, qu'il soit national ou continental. A croire qu'il cherche chaque fois à faire pression (du chantage ?) sur les autorités qu'il présenterait comme des ennemis de la JSK ou même des champions. Bref, ce n'est pas fortuit que des clubs évoluant en régionales I, II, et III voient souvent leurs responsables et leurs supporters organiser des quêtes dans les villages pour assurer les frais d'un déplacement dans la wilaya de Béjaïa ou celle d'Alger pour l'équipe de la région. Les commerçants des localités que les clubs représentent sont souvent sollicités par leurs équipes à travers des tournées, dans certains cas hebdomadaires, qui permettent de collecter à peine les frais de transport ou de restauration pour un seul déplacement. Il n'est pas question ici de jeter la pierre à Moh Cherif Hannachi qui se trouve dans son rôle de président de club à la recherche de toutes les ressources nécessaires à la réussite du team qu'il préside. C'est le comportement des pouvoirs publics à tous les niveaux qui reste incompréhensible dans la mesure où la décision d'octroi des subventions leur revient. Comment expliquer qu'un grand club comme la JSK qui représente toute une région, la Kabylie (c'est ce que disent les dirigeants du club et les supporters) et parfois même toute l'Algérie, reçoive des sommes faramineuses d'une commune comme Tizi Ouzou sur le territoire de laquelle évoluent plusieurs clubs de la division régionale qui ont besoin de moyens notamment pour les déplacements et les équipements, et même en matière d'indemnités pour les joueurs. Surtout si l'on se rend compte que quand on aide les «petits» clubs, c'est aussi un service qu'on rendrait à la JSK puisque les équipes de divisions inférieures peuvent être considérées comme des réservoirs pour les Canaris, comme le dit avec beaucoup de philosophie Mohamed Nesnas, président de l'Association sportive de Tizi Ouzou (ASTO) qui évolue en division régionale II. Comment expliquer qu'une équipe comme l'Union sportive de Tala Athmane (USTA), club de la division régionale III, reçoive 150 millions de centimes de la part de la commune de Tizi Ouzou qui octroie, d'un autre côté entre 700 millions et un milliard de centimes à la JSK ? La logique ne semble pas présente dans le choix fait par les dirigeants de la mairie qui devraient plutôt se pencher sur les clubs représentant leur commune dans les championnats concernés et les aider à améliorer leurs prestations et, pourquoi pas, accéder aux divisions supérieures. Le président de l'USTA que nous avons contacté n'a pas voulu s'attarder sur le sujet pour la simple raison qu'il vient d'être élu à la tête du club. Il ne dira même pas les montants accordés par la direction de la jeunesse et des sports de la wilaya et par l'APW de Tizi Ouzou à son équipe non sans rappeler que l'APC leur a accordé 150 millions de centimes pour l'exercice précédent. Voulait-il éviter de froisser ces deux institutions en s'empêchant de citer les sommes dérisoires qui leur ont été accordées ? De ce côté-là, le président de l'ASTO ne s'est pas fait prier pour s'exprimer sur le sujet tellement cela lui fait mal de «laisser un club qui a été créé au lendemain de l'indépendance dans cette situation». «Ce n'est pas normal que l'ASTO soit considérée comme les autres équipes de la commune, c'est la vitrine sportive de toute la wilaya», estime Mohamed Nesnas qui ne manquera pas de signaler que pas moins de 130 athlètes sont enregistrés au sein de l'association qui compte trois sections, à savoir le football, la pétanque et les échecs. Il évoquera l'enveloppe de 250 millions de centimes allouée par la commune de Tizi Ouzou qui arrive à peine à couvrir les indemnités des 25 joueurs de l'équipe. «Comment alors assurer les frais de transport, de restauration, des équipements, de l'assurance, du staff technique et de l'engagement à la ligue [25 millions], sans oublier les frais médicaux», ajoute notre interlocuteur qui ne comprend pas pourquoi «certaines associations sportives se voient attribuer des subventions alors qu'elles n'existent presque pas». Mohamed Nesnas abordera également les «subventions» de la DJS et de l'APW de Tizi Ouzou qui sont de l'ordre de 25 millions et de 11 millions respectivement. Cela a plus l'air d'un argent de poche que d'une subvention, surtout pour un club qui compte toutes les catégories de jeunes. «S'ils nous donnent de l'argent pour garder l'équipe en vie, c'est bon, nous ne sommes pas morts mais pour tracer des objectifs, nous n'y arriverons pas avec cette politique», ajoute encore le président de l'ASTO qui considère que la répartition des subventions ne se fait pas de manière équitable. Les autorités locales devraient, selon lui, revoir leur copie vis-à-vis de l'ASTO qui servira à coup sûr de réservoir à l'équipe de la JSK, notamment avec la formation des jeunes joueurs en son sein. M. Nesnas a laissé une note d'espoir pour la fin de l'entretien puisqu'il se dit «heureux d'annoncer que l'Eniem vient de leur faire une fleur en accordant à l'ASTO une somme qui nous permet de souffler un peu». Une occasion de faire appel aux autres entreprises de la région pour qu'elles aident ce club. Un appel aussi à tous les citoyens de Tizi Ouzou pour qu'ils se mobilisent autour de leur équipe, surtout que, dans les moments difficiles en matière de finances, les dirigeants de l'ASTO et même les joueurs «ont acquis le réflexe de mettre la main à la poche pour que leur équipe survive». La JSK est un grand garçon maintenant et elle peut se débrouiller toute seule. Il est vraiment temps donc pour les autorités de se pencher sur le cas des «petits» clubs, notamment en trouvant la solution au fonds de wilaya par lequel la DJS distribue des miettes aux associations sportives locales.