De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Y a-t-il des parents en Algérie qui encouragent leurs enfants à mener une carrière artistique, toutes disciplines confondues, notamment dès leur enfance ? Ce n'est pas toujours évident, dans la mesure où tout parent ayant la tête sur les épaules ne peut que rester à cheval sur le cursus scolaire de ses enfants avant d'entreprendre toute autre démarche. D'autant plus que, dans notre pays, l'artiste peut passer, sans aucune forme de transition ni explication d'une misère à une autre et d'une ingratitude à une autre avec, en bonus, une absence de statut, ce qui lui nuit de façon dramatique. Combien d'artistes, comédiens, hommes de théâtre, chanteurs, musiciens, ont été oubliés, y compris dans leur mort et dans leurs souffrances ? Alors, les parents n'ont aucune confiance en un avenir artistique pour leurs enfants. Ils refusent tout simplement de prendre un quelconque risque qui compromettrait l'avenir de leur progéniture. Imene est une jeune fille de quinze années qui attend les résultats de l'examen du BEM. Elle est adhérente à l'atelier des arts plastiques de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou depuis l'âge de cinq ans, en comptant, bien entendu, les interruptions qui coïncident, sans surprise aucune, avec les périodes des examens. De nombreux adhérents des ateliers de la maison de la Culture vivent d'ailleurs ces interruptions. C'est dire que, pour ces enfants et leurs parents, la scolarité passe avant tout. Quand les parents ont demandé à Imene de choisir entre les différentes disciplines artistiques proposées par la structure culture, elle n'a pas hésité à opter pour les arts plastiques. Elle a de l'ambition et son vœu est de «faire l'école des beaux-arts d'Alger» dit-elle avec un brin de timidité. Un vœu qui n'est pas partagé par sa maman présente à la fin d'une séance. Imene corrige le tir aussitôt, en précisant que cela se fera en plus de ses études. «Déjà que l'artiste n'a pas de statut», lance sa mère comme si elle voulait faire savoir qu'elle était au courant de la situation des artistes en Algérie. L'avis de sa camarade au sein de l'atelier, Louisa, est plus catégorique. Du haut de ses treize printemps, elle affirmera qu'«elle n'a pas l'intention de faire des arts plastiques son métier, mais un simple loisir». Sa maman, présente également, est, elle aussi, adhérente au sein de l'atelier réservé aux adultes. Elle y a adhéré il y a trois années, soit quelques semaines à peine avant Louisa, et elle partage l'opinion de sa fille. Sa passion pour les arts semble contagieuse puisqu'elle s'achemine vers la contamination de la mère de Imene qui se dit tentée par une adhésion. Pour la beauté de l'art mais aussi pour l'ambiance qui règne au sein des ateliers. Une ambiance de liberté assurée par les professeurs d'arts plastiques. Dans l'atelier qu'elle dirige, Mlle Sadjia Outioua donne une grande importance à l'ambiance qui doit y régner. «Au début, les nouveaux adhérents se sentent un peu mal à l'aise, mais ils se libèrent vite quand ils se rendent compte que ce n'est pas la même ambiance qu'à l'école», Mlle Outioua, enseignante d'arts plastiques dans un lycée de la ville de Tizi Ouzou et vacataire à la maison de la culture Mouloud Mammeri depuis de nombreuses années. Mes «élèves», âgés entre 12 et 18 ans, «sont encouragés à se libérer pour que je puisse transmettre le message», ajoute-t-elle avant de définir son rôle qui est de «leur donner des notions, de les superviser et de les aider quand ils dessinent». Quand elle détecte des enfants doués, elle les oriente généralement vers les études artistiques, comme la publicité et l'architecture, et même la caricature et la bande dessinée. D'ailleurs, certains de ses anciens élèves se trouvent en France où ils suivent des études en relation avec l'art, mais elle insiste toujours auprès de ses élèves sur «l'importance d'avoir un niveau avant». «Ils doivent avant tout persévérer dans leurs études» insiste-t-elle à chaque fois. Pour leur prestation en dehors des salles d'ateliers, ces «graines d'artistes» ne disposent pas de larges atouts, à l'exception d'une participation, de temps en temps, à des expositions à Tizi Ouzou ou certaines wilayas du pays. C'est probablement pour cela que les graines d'artistes et leurs parents préfèrent garder les pieds sur terre. Pour ces enfants, l'art reste une passion et non un métier.