Rien ne va plus en Egypte. Depuis vendredi soir, les manifestations ont pris une nouvelle tournure. Les militaires n'«hésitent plus à charger les manifestants. Ces derniers n'en démordent pas. Ils ne veulent pas moins que la transmission du pouvoir aux civils. Les affrontements avaient débuté vendredi dernier entre les forces de l'ordre et des manifestants qui campaient, depuis fin novembre, devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination, par l'armée, de M. Ganzouri, ancien chef de gouvernement sous Moubarak. Ils réclament aussi la fin du pouvoir militaire, notamment le maréchal Hussein Tantaoui. Hier, le bilan s'établissait, en fin d'après-midi, à dix personnes tuées et près de 500 blessées en trois jours au Caire. Les heurts se sont poursuivis tout au long de la journée. L'armée a déféré devant le procureur 164 personnes arrêtées pour implication présumée dans les heurts entamés, vendredi matin, autour du siège du gouvernement, et pour incendie de bâtiments en vue de leur éventuelle inculpation. Ces manifestations sont les plus violentes depuis les affrontements qui ont précédé les élections du 28 novembre et fait 42 morts.Les affrontements se concentraient autour d'un barrage de barbelés et de tôle installés par les forces de l'ordre sur une rue adjacente à une grande avenue conduisant de la place Tahrir, haut lieu de la contestation, au siège du gouvernement. L'avenue était barrée depuis samedi par un mur en béton, afin d'empêcher les manifestants d'approcher de ce secteur qui comprend aussi de nombreux ministères et bâtiments parlementaires. Les manifestants, qui ont repris possession de la mythique place Tahrir, brandissaient les Unes de quotidiens qui mettaient en exergue les brutalités de l'armée. Le ministre de la Culture, Chaker Abdel Hamid, a qualifié de «catastrophe pour la science» l'incendie qui a ravagé l'Institut d'Egypte, fondé en 1798 au cours de l'expédition de Napoléon Bonaparte. «Le bâtiment contenait des manuscrits très importants et des livres rares, dont il est difficile de trouver l'équivalent dans le monde», a-t-il déclaré, samedi soir, faisant état d'efforts associant «des jeunes de la révolution, du Conseil supérieur de la Culture et des restaurateurs pour sauver ce qui peut l'être». Les manifestations avaient repris de plus belle à la suite des déclarations du Premier ministre jugées «d'irresponsables» par des observateurs de la scène politique égyptienne. Le Premier ministre, Kamal el-Ganzouri, avait accusé les manifestants de «contre-révolution», assurant que «ni l'armée ni la police n'avaient ouvert le feu» sur les manifestants. «Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution», avait-il soutenu. Déjà contesté par les manifestants depuis sa nomination à la tête du gouvernement, el-Ganzouri perd, par ces déclarations, l'estime des moins récalcitrants. Ces affrontements ont occulté la tenue sans incident majeur de la deuxième phase des élections législatives, qui devrait conforter la nette domination des formations islamistes, au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak. La première phase du scrutin, dans un premier tiers du pays, a donné 65% des voix aux partis islamistes, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les salafistes d'Al-Nour. G. H./agences