Après une longue hésitation, Damas a accepté enfin la venue d'observateurs arabes. Une décision qualifiée par l'opposition comme une «manœuvre» pour gagner du temps. En tout état de cause, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal al-Maqdad a signé au Caire un document autorisant la venue d'observateurs, dans le cadre d'un plan de sortie de crise mis au point par la Ligue arabe, que Damas avait déjà accepté «sans réserves» sans jamais pour autant l'appliquer. A Damas, le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a assuré que les observateurs arabes étaient «les bienvenus» en Syrie, lors d'une conférence de presse. «La signature du protocole est le début d'une coopération entre nous et la Ligue arabe. Nous accueillerons avec satisfaction la délégation des observateurs», a-t-il poursuivi, ajoutant que «cet accord sera renouvelé dans un mois, si les deux parties en sont d'accord». Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil al-Arabi a annoncé qu'une première délégation se rendrait en éclaireur à Damas sous trois jours. Dirigée par Samir Seif al-Yazal, assistant du secrétaire général, elle sera «composée d'observateurs de la sécurité, du droit et de l'administration», a déclaré M. Arabi, précisant que des équipes incluant des experts des droits de l'homme suivraient. Dans un communiqué, les LCC ont annoncé que 937 civils, dont 60 enfants, ont été tués par les forces de l'ordre et l'armée syriennes depuis le 16 novembre, date à laquelle Damas avait refusé de signer le protocole arabe. Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien (CNS) qui regroupe la majorité des courants de l'opposition syrienne a estimé que les déclarations de M. Mouallem étaient une «tromperie» pour «couvrir l'échec du régime syrien», dans une conférence de presse à Tunis. Les rapports des observateurs «seront envoyés au secrétaire général de la Ligue arabe et à moi-même», a indiqué le chef de la diplomatie syrienne. «Nous en discuterons par téléphone avant toute prise de décision», a expliqué M. Mouallem, précisant que cela faisait partie des demandes syriennes. «Une commission nationale sera le trait d'union entre la délégation des observateurs et le gouvernement syrien», a-t-il précisé. Les observateurs pourront «accéder aux points chauds mais pas aux points militaires sensibles». M. Mouallem a affirmé que son pays n'avait accepté de signer ce protocole que parce qu'il respectait sa «souveraineté». «Dans ce protocole, nous parlons de protéger les civils contre les groupes terroristes», a-t-il ajouté. La répression dans le pays a fait depuis la mi-mars plus de 5000 morts, selon l'ONU, mais Damas attribue les violences à des groupes terroristes armés. «De nombreux pays dans le monde ne veulent pas reconnaître la présence de groupes terroristes armés en Syrie. Ils vont venir, et ils vont voir qu'ils sont présents. Nous ne devons absolument pas avoir peur», a réagi M. Mouallem. La France a réclamé aussitôt que les observateurs arabes puissent remplir leur mission «le plus rapidement possible sur le terrain» en Syrie, où le régime réprime depuis plus de neuf mois un mouvement de révolte sans précédent. Six civils ont été tués lundi par les forces de sécurité à Deraa (sud) et à Deir Ezzor, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Dans la province d'Idleb, ce sont trois soldats de l'armée régulière syrienne qui ont été tués lundi lors d'affrontements avec des déserteurs, selon la même source. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants dans le quartier historique de Midane à Damas. Deux personnes, dont un enfant, ont été blessées, selon l'OSDH et les comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent les manifestations sur le terrain. La Ligue arabe avait menacé de recourir au Conseil de sécurité de l'ONU, où Moscou, allié de longue date de Damas, bloquait jusqu'à récemment les résolutions condamnant la répression dans le sang. Jeudi dernier, la Russie a créé la surprise en proposant sa propre résolution condamnant les violences commises «par toutes les parties» syriennes. «Il n'y a aucun changement dans la position russe. Il y a une coordination quotidienne avec les (dirigeants) russes. Ils ont conseillé à la Syrie de signer le protocole et nous l'avons fait», a pourtant affirmé M. Mouallem. R. I.