Comme si la terrible répression du 17 octobre 1961 à Paris, dont le 50e anniversaire a été commémoré, ne l'avait pas assouvi, la police de la capitale française a commis moins de quatre mois plus tard ce qui est entré dans l'histoire comme le massacre de Charonne, du nom de la station de métro où la mort a emporté neuf Français et blessé plus de deux cents parmi les dizaines de milliers de manifestants contre l'OAS et pour la paix en Algérie.C'était le 8 février 1962. Donc c'est le cinquantième anniversaire, cette année, qui a été commémoré hier sur les lieux mêmes du drame, suivi d'une manifestation jusqu'au cimetière du Père Lachaise où a eu lieu une cérémonie de recueillement devant les tombes des victimes : Daniel Ferry, 15 ans et demi, apprenti dans la presse, Jean-Pierre Bernard, 30 ans, dessinateur aux PTT, Raymond Wintgens, 44 ans, ouvrier typographe, Fanny Dewerpe, 31 ans, employée de presse, Anne-Claude Godeau, 24 ans, employée des PTT, Edouard Lemarchand , 40 ans, employé de presse , Hyppolite Pina, 58 ans, maçon, Suzanne Martorell, 30 ans, employé de presse et Maurice Pochard. Tous membres de la CGT, et parmi eux sept militants communistes. Devant un millier de personnes qui ont bravé le froid, le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, se sont succédé à la tribune pour rappeler les tragiques événements du 8 février 1962, rendre hommage aux victimes et tirer quelques leçons d'histoire.La manifestation du 8 février 62 a été décidée la veille au soir par les syndicats CGT et CFTC, le PCF et le PSU, des mouvements de jeunesse et quelques associations en réaction à la terreur que semait en France l'OAS. C'est que, le 7 février, l'organisation criminelle a procédé à dix attentats au plastic, dont un devant la maison d'André Malraux, ministre de la Culture. L'attentat fit une blessée, Delphine Renard, une toute jeune fille, présente à la commémoration, qui, depuis, est aveugle. Plus de 60 000 personnes ont manifesté ce jour-là pacifiquement sous les mots d'ordre «OAS assassin», «Paix en Algérie». Pourchassés par des groupes de policiers, les manifestants se déplacent de quartier en quartier jusqu'au rassemblement devant le métro Charonne, dont la bouche est fermée. Au moment de la dispersion de la manifestation, les policiers redoublent de férocité à coups de matraque dans «des charges sauvages» n'épargnant personne. Il y a ceux qui s'engouffrent dans la bouche du métro, poursuivis par la police du même préfet qui a orchestré le massacre du 17 octobre 1961, Maurice Papon. C'est le piège. La police frappe avec sauvagerie sur des hommes et des femmes qui s'entassent les uns sur les autres. C'est le carnage, avec neufs morts et des centaines de blessés. Lors de leurs obsèques, le mardi 13 février, un million de Parisiens leur rendent un ultime hommage.Parmi les trois intervenants de la cérémonie du cinquantième anniversaire, Pierre Laurent, rendant, comme Thibault et Delanoë, hommage et reconnaissance aux martyrs du 8 février 1962, a dit notamment : «Je veux le dire avec solennité, ceux qui manifestèrent ce soir-là à Paris, ceux qui furent blessés, ceux qui sont morts pour que vive la paix en Algérie, dans une Algérie indépendante, sont l'honneur de la France, sont la France. Les manifestants de Charonne appartiennent à la mémoire vive de notre nation, de notre République, de notre démocratie.» «Vous le savez, a poursuivi le leader communiste, les responsables de la tuerie ne seront jamais poursuivis. Les généraux putschistes seront même amnistiés. La responsabilité de l'Etat jamais reconnue jusqu'à ce jour. L'OAS ou ses survivants dressent même des monuments à la gloire des barbares. Et même, depuis 5 ans avec le président Nicolas Sarkozy, la France voit le retour de ce vieux camp idéologique qui se gargarise du mythe de prétendues vertus de la colonisation […]. Un peuple qui se croit supérieur car il confond arrogance et intelligence […]. Respectez les peuples, tous les peuples et arrêtez, comme vient de le faire Alain Juppé, de demander avec morgue à l'Etat algérien souverain de célébrer avec modération le 50e anniversaire de son indépendance.»