La Tribune : Le Système d'information statistique est la base de toute économie. Pouvez-vous d'abord nous donner un aperçu sur le système statistique algérien ? Et comment l'évaluez-vous ? Mounir Khaled BERRAH : Le système statistique national est régi par le décret législatif n° 94-01 du 15 janvier 1994, qui définit les principes généraux de la production, l'utilisation, la diffusion et la conservation de l'information statistique. Il fixe le cadre organisationnel ainsi que les droits et obligations des personnes physiques et morales dans les domaines de la production, la conservation, l'utilisation et la diffusion de l'information statistique. En vertu du décret législatif, le système statistique national est constitué d'un certain nombre d'organes nécessaires à son bon fonctionnement.Il s'agit en premier lieu du Conseil national de la statistique (CNS), chargé notamment de formuler des avis et recommandations sur la politique nationale d'information statistique ainsi que d'établir et de proposer un programme comprenant les enquêtes et travaux statistiques. Il s'agit d'un espace d'échange, de concertation et de coordination entre les différentes composantes de ce système regroupant producteurs et utilisateurs de l'information statistique.Le deuxième est l'iInstitution centrale de la statistique, en l'occurrence l'Office national des statistiques (ONS). Cette institution a pour missions, notamment, d'élaborer les règles et instruments techniques auxquels doit se conformer le système statistique national. En outre, elle produit les outils fondamentaux de la statistique nationale (recensements, répertoires, principaux indicateurs, comptes nationaux). Enfin, elle coordonne, sous l'égide du CNS, les activités des autres composantes du système statistique national.En troisième lieu, il y a les services statistiques des administrations et des collectivités territoriales.Enfin, il y a les organismes statistiques spécialisés publics et privés.Toutefois, ce système présente des insuffisances qu'il convient de corriger progressivement, et ce, par le renforcement de la coordination interinstitutionnelle et de la circulation de l'information.
L'ONS s'est tracé une feuille de route statistique pour la période 2008-2015 dans la perspective d'une Stratégie nationale de développement de la statistique. Pouvez-vous nous en fournir plus d'informations ? Tout d'abord, permettez-moi de vous rappeler qu'une Stratégie nationale de développement statistique (SNDS) est une approche structurée et cohérente, sous forme d'un plan général d'orientation de la statistique, répondant à des besoins nationaux dans le cadre des normes internationales.La SNDS a pour objectifs fondamentaux le renforcement et l'élargissement de la production statistique, l'accroissement de la visibilité, la transparence, l'indépendance et la comparabilité. La diffusion et la dissémination de l'information statistique ainsi que le renforcement institutionnel du SNIS sont aussi des dimensions importantes de la SNDS.Il faut également souligner que la préparation de la SNDS, non encore formellement adoptée, a été menée grâce à une approche participative impliquant les acteurs du SNIS. D'ailleurs, il s'agit d'un dossier qui a été débattu au niveau du Conseil national de la statistique (CNS).La SNDS prévoit la réalisation de grandes opérations statistiques structurantes dont certaines ont déjà été réalisées (RGPH 2008). D'autres sont en cours de réalisation ou programmées pour des échéances futures.On peut citer le Recensement économique dont les résultats préliminaires de la première phase ont déjà été promulgués, l'enquête sur les dépenses de consommation des ménages et le niveau de vie dont la phase collecte sur le terrain est en voie d'achèvement, le Recensement général agricole (RGA) prévu pour la fin de l'année 2012 ainsi que des travaux sur la comptabilité nationale.D'autres opérations sont prévues dans le cadre de cette stratégie. Il s'agit, à titre d'exemple, du lancement durant le premier semestre 2012 d'une enquête communale et de la réalisation d'une enquête emploi du temps.
Certains experts remettent en cause la crédibilité de vos chiffres. Quel commentaire en faites-vous ? La remise en cause des statistiques officielles n'est pas propre à l'Algérie, il s'agit d'un problème classique et récurrent auquel est confronté l'ensemble des Instituts nationaux statistiques (INS) de par le monde. De nombreuses études menées à travers le monde ont montré clairement l'existence d'un décalage entre la mesure du chiffre et sa perception par le public.Il faut signaler que dans sa production statistique, l'ONS fait appel à des instruments normalisés et à des méthodologies universelles pour garantir la fiabilité de la statistique produite et sa comparabilité dans le temps et l'espace.Il faut également dire que l'incompréhension de la part des utilisateurs des concepts et des techniques d'élaboration des données entretient une certaine défiance vis-à-vis des chiffres publiés. De ce fait, nous devrons nous investir davantage dans la communication.
Quelles sont les actions engagées par l'ONS, en vue d'améliorer la performance de ses cadres statisticiens ? Depuis longtemps et à l'instar des INS de par le monde, l'ONS s'est engagé dans un vaste programme de coopération statistique avec divers organismes statistiques internationaux et régionaux dans l'optique d'améliorer la performance de ses cadres et la mise à niveau de ses instruments statistiques par rapport aux normes internationales en perpétuelle évolution.Selon les partenaires, la coopération prend diverses formes qui restent complémentaires : formation de courte durée axée sur les principaux corps de métier de l'ONS, ateliers de travail (workshops) et séminaires, mission d'assistance technique sur des thématiques précises, visites d'étude, réception de la documentation du matériel et des logiciels, etc. A titre d'exemple, l'ONS s'est engagé dans un programme de coopération avec l'Institut français de la statistique et des études économiques (INSEE). A ce titre, une formation diplômante de niveau master 2 en statistique publique et analyse économique, ayant un label international (INSEE) a été récemment lancée. L'ONS y participe avec une douzaine de cadres. Cette formation est principalement destinée à des cadres de niveau bac+5 en cours d'emploi dans le système statistique national.Nos cadres ont également bénéficié d'un bon nombre de stages et de formations, et ce, dans le cadre de deux programmes de coopération, avec l'Union européenne : «AMECO» et «Med Stat».Nous sommes, également, impliqués dans des programmes de coopération régionale et continentale. Notre institution est aussi présente dans le cadre des programmes de coopération initiés par les Nations unies.Il faut souligner que la coopération de l'ONS avec ses divers partenaires a permis d'améliorer les compétences de ses cadres et de se mettre au diapason des innovations méthodologiques et conceptuelles internationales.
La circulation de l'information statistique fait, parfois, défaut en Algérie? Quelle explication en donnez-vous? Il faut dire que l'information statistique n'a de valeur que lorsqu'elle est disséminée à l'utilisateur. C'est pour cela que les canaux de circulation de l'information entre les producteurs et les utilisateurs doivent être les plus fluides possibles. Actuellement, la fluidité de la circulation est perfectible et mérite d'être améliorée. Cela est dans l'intérêt même du Système national d'information statistique (SNIS). Cette amélioration passe par une meilleure coordination inter- institutionnelle, une concertation et communication permanente entre les différents organismes constituant le SNIS.Une réflexion est actuellement lancée pour la mise en place d'un Identifiant commun des entreprises (ICE). Il s'agit d'une clé commune qui sera adoptée par l'ensemble des administrations détentrices de répertoires sur les entreprises. La concrétisation de ce dossier va certainement contribuer à l'amélioration de la circulation de l'information statistique. Par ailleurs, les feed-backs sont également de nature à faciliter la circulation de l'information statistique.
La création d'une banque nationale de données statistiques figure-t-elle dans les perspectives de l'ONS ? La mise en place d'une banque de données doit être l'un des objectifs de chacun des maillons du Système national d'information statistique. Pour notre part, nous nous efforçons de mettre en place les instruments et applicatifs nécessaires pour concrétiser cet objectif et passer de base de données thématiques déjà disponibles au niveau de l'ONS à une banque de données plus globale et intégrée.