Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar
Lieu de pèlerinage pour sa valeur historique et symbolique, la petite habitation constitue une halte obligée pour tous les visiteurs de cette bourgade de haute montagne. Les rédacteurs de l'appel sollicitent le classement de cette maison familiale comme patrimoine national et plaident pour sa transformation en musée dédié à la mémoire et l'œuvre des deux auteurs. L'APC d'Ighil Ali, la direction de la culture et même le ministère de tutelle se gardent pour le moment de répondre à cette requête. Dans un passé pas très lointain, la maison natale de Malek Benabi a Tébessa a été transformée, dans l'indifférence générale, en lieu de débauche par une bande voyous. Comptant parmi les plus grands penseurs musulmans contemporains, Benabi occupe à ce jour une place prépondérante dans l'espace culturel et intellectuel. Sous d'autres cieux son petit logis d'enfance aurait été mis au service de l'intelligence au lieu d'être ainsi squatté par de vulgaires malfrats. De son vivant, ce même Benabi avait dénoncé le triste sort réservé à la maison du célébrissime artiste-peintre, Etienne-Nasreddine Dinet, à Boussaâda. La modeste habitation de Dinet, dont le génie est salué dans le monde entier, tombait alors en ruine. «La propriété de Dinet n'a pas été seulement abandonnée aux intempéries. Elle a été dépecée et vendue au détail. Un acquéreur a transformé sa demeure en habitation style bidonville. Sa porte est remplacée par une plaque de tôle ondulée qui laisse entrevoir, à travers son jour, la cour que traversait le peintre pour descendre à son jardin et se rendre à sa retirance au-dessus de l'oued. Cette retirance, elle-même, est devenue, avec le jardin, propriété d'un autre acquéreur», écrivait Benabi en 1968 dans un article publié par le magazine Révolution Africaine. Des décennies plus tard, sa propre maison sera pareillement profanée. Des affaires personnelles et des manuscrits de Messali Hadj, une personnalité historique de premier plan, sont malheureusement exposés dans des musées français. Pour ne pas étendre davantage cette liste macabre, on doit tout simplement constater que la génération présente et celles qui montent ont été dépossédées des legs précieux de nos intellectuels et artistes les plus importants. On assiste, indifférents ou complaisants, au dépouillement «intégral» de notre mémoire. Quotidiennement, on lit dans la presse nationale de tristes dépêches sur l'usure et la détérioration de vieux manuscrits, l'effondrement de larges pans de notre patrimoine urbain (casbahs, ksours,…), le trafic international de pièces archéologiques et d'œuvres d'art. Mis à part ce qu'on a déjà perdu, nos musées, qui regorgent de trésors culturels et historiques, sont très peu visités et peu connus. Le bas niveau culturel ambiant et l'inaction des conservateurs participent, dans des proportions égales, à l'entretien de cette «inculture» générale. La famille, l'école, l'université et établissements culturels ne font presque rien pour remédier à cette terrible carence. Les musées, se complaisant dans leur autarcie mortelle, ne font pas grand-chose, non plus, pour se dépoussiérer et se renouveler. Les conservateurs des musées doivent impérativement se départir de cette mollesse «criminelle» pour venir au «secours» des écoliers, des étudiants et des citoyens de manière générale. Ils doivent songer à organiser des expositions itinérantes en allant à la conquête du public. Il s'agit d'une mission de sauvetage.