C'est un constat général : nos musées n'ont ni âme, ni public, ni le sens qu'on donne généralement aux endroits riches en histoire. Ce sont de simples espaces que gèrent des administrateurs comme s'ils géraient des offices quelconques d'utilité publique. C'est connu un musée est non seulement un endroit chargé d'histoire permettant ainsi à une collectivité de se connaître, mais aussi un lieu qui peut générer des entrées d'argent, voir des vocations. Mais chez nous, ceux-ci sont carrément désertés même si parfois ils sont retapés à neuf ou alors réhabilités. Le cas des trois musées de la ville de M'sila, illustre très bien de cette déliquescence qui frappe notre patrimoine. Désertés, les trois musées que compte la wilaya de M'sila, restent plongés tout au long de l'année dans un silence pesant que rien ne semble pouvoir perturber si ce n'est la présence discrète de quelques rares visiteurs. Pour les principaux acteurs locaux du secteur culturel, ce phénomène de désaffection des musées est d'autant plus parlant, ici, que M'sila figure parmi les rares wilayas à posséder un riche patrimoine couvrant plusieurs périodes historiques (romaine, byzantine et islamique), en plus d'un musée national des arts plastiques réservé à l'artiste peintre Etienne Dinet. La wilaya compte en tout et pour tout trois musées, ouverts entre 1993 et 1995 successivement à Boussaâda, Maâdhid et M'sila. Les mêmes acteurs tentent une explication à ce désintérêt, que l'on retrouve par ailleurs un peu partout dans le pays, et incriminent, sans surprise, l'absence dans ces cités de vie culturelle au sens large, ce qui déteint forcément sur ce volet "sophistiqué" de la culture qu'est la fréquentation des musées. Ils trouvent aussi que ces établissements se pénalisent eux-mêmes en limitant leur activité à une banale gestion interne et, au mieux, à de froides expositions permanentes qui n'attirent pas grand monde, au lieu de s'ouvrir davantage sur leur environnement en allant vers des lieux à forte concentration comme les écoles, les universités et, pourquoi pas, les entreprises économiques. Dans cette optique d'ouverture, certains proposent, outre des visites guidées dans les musées, des actions extra muros, loin du cadre étroit de ces établissements, sous la forme d'expositions thématiques ou encore de rencontres-débats sur l'importance de ces espaces de culture et de mémoire L'idée est que des initiatives de ce genre -pratiques et pas trop coûteuses- pourraient assez rapidement susciter un intérêt accru auprès de franges variées de la population et favoriser, en définitive, un retour conscient vers les musées, lesquels sous d'autres cieux ne désemplissent jamais, et s'imposent partout comme le passage obligé de tout visiteur digne de ce nom. Des initiatives impuissantes devant l'absence d'une culture "muséale" Il existe tout de même des initiatives concrètes à saluer, telle que celle entreprise il y a deux ans par le musée de Boussaâda, qui a reproduit son patrimoine "muséal" sur des photographies destinées à la vente. Les deux musées de la Kalaâ, à Maâdhid, et du Hodna, à M'sila, seraient bien inspirés, espère-t-on, d'emboîter le pas à celui de Boussaâda et de reproduire leurs fonds "muséaux" sur divers supports accessibles au grand public. L'autre facteur limitatif serait l'exiguïté de ces musées notamment leurs salles d'exposition. Ainsi, le musée de Maâdhid réalisé avec une surface relativement réduite de 400 m2, celui de M'sila doit se débattre pour s'en sortir avec 236 m2, alors que celui de Boussaâda se contentera d'une aire de seulement 200 m2, celle de la maison où vécut Etienne Dinet. Pour expliquer la morosité ambiante dans ces enceintes, les acteurs culturels de la région mettent en avant l'absence criarde d'une culture de musée que ce soit au sein des écoles, que chez le commun des citoyens. Pour s'en convaincre, un seul fait rapporté avec amertume par beaucoup d'enseignants, montre que lorsqu'il est demandé à l'élève de s'intéresser au monde des musées, il opte souvent pour la solution facile du "copier-coller" au terme d'une recherche expéditive sur le web, rechignant de la sorte à se déplacer sur les lieux, pourtant proches. Des trésors qui valent pourtant le détour Le musée de la Kalaâ de Maâdhid a été créé en 1995 pour notamment abriter les pièces archéologiques découvertes sur le site historique de la Kalaâ des Béni Hammad, bâtie en 1007, et mises au jour par les fouilles de Lucien Golvin et Rachid Bourouiba. La collection du musée comprend notamment des pièces de céramique, des lanternes à huile, des céramiques de pavement de sol, des objets décoratifs de diverses formes géométriques et des calligraphies qui ornaient autrefois le prestigieux palais "Manar El bahr". Le musée conserve également des bas-reliefs de paysages naturels sur plâtre peint, des pans de marbre sculptés, des statuettes, des colonnes, des pièces de monnaie fatimides et des mesures de bronze. Le musée du Hodna, ouvert en 1993, conserve une collection de vestiges géologiques dont des restes d'animaux et de plantes fossilisés, des objets préhistoriques ainsi que des antiquités des périodes romaine et byzantine telles que des jarres, des lanternes, des vestiges mortuaires et des pièces de monnaie. La collection médiévale comprend notamment des objets du Xe siècle trouvés sur le site historique de Mohammadia et constitués surtout de pièces de céramique, de coupes en verre et de bribes de bois sculpté. Des pièces d'armes à feu et d'armes blanches, des ustensiles de cuisine et des manuscrits figurent également dans cette intéressante panoplie. Le musée de Boussaâda est, quant à lui, exclusivement consacré à l'art plastique et se compose de deux bâtiments. Le premier, qui tenait lieu d'atelier pour l'artiste peintre Etienne Dinet (1861-1929), a subi de petits travaux de restauration, alors que le second a été érigé en 1993 et compte deux salles d'exposition et un espace pour les services administratifs. Et comme pour mieux exister, survivre et mériter sa vocation, le musée a réussi, durant les trois dernières années, à récupérer onze (11) toiles du même Etienne Dinet...