Ubuesque. Le quiproquo à propos de la mise en examen et sous contrôle judiciaire, en France, de Mohamed Ziane Hasseni, diplomate algérien de haut rang, l'est à plus d'un titre. L'homonymie, foyer de méprise, et, à ce propos, un témoignage instable, érigé en fil rouge d'un dossier d'inculpation bancal, ont vite transformé l'affaire en un salmigondis judiciaire. Voila une affaire qui aurait dû être simple comme l'eau de source cristalline. Pourtant, il n'en fut rien. Fait rarissime dans les annales de la justice française, le procureur général du parquet de Paris va plus loin que la défense dans la demande de levée des charges contre un accusé. Il a, en fait, demandé l'annulation de la mise en examen pour une substitution vers le statut de simple témoin assisté. Pour autant, le procureur n'a pas été suivi et le juge d'instruction a jugé que la preuve irréfutable d'une erreur de personne n'était pas, à ce stade, établie. Sur quoi le juge Baudouin Thouvenot, réputé pour son inflexibilité et son intégrité, a-t-il fondé son jugement ? Sur un témoignage unique qu'il n'a pas recueilli officiellement et directement. Sur le fait que le témoignage en question a été jugé «capital» par la veuve éplorée de l'avocat André Ali Mécili, assassiné, à Paris, en avril 1987. Sur le doute que pouvait instiller dans les esprits le refus initial de l'inculpé de se soumettre à des expertises ADN et des examens graphologiques. Ou encore, de détailler son CV. Ahurissant ! Le témoin est un ex-officier supérieur des services algériens, réfugié en Allemagne, et opposant à la tête d'un mouvement exilé appelé «Rachad». Son témoignage est singulièrement erratique. La première fois, il déclare «qu'il n'y a même pas d'homonymie possible» mais laisse tout de même planer un doute. Une légère présomption pouvant donner à penser que le diplomate arrêté à Marseille, l'été dernier, et le commanditaire présumé de l'assassinat de Mécili, Rachid Hassani, ancien officier subalterne de la défunte DGPS, ce serait finalement Hadj Moussa et Moussa El Hadj (cf. www.ffs1963.unblog.fr, 25/08/08). Quelques jours plus tard, le témoin à charge, qui a rencontré le juge Thouvenot en 2003 en Allemagne, affirme au journal français en ligne Médiapart, après avoir vu la photo de Hasseni, qu'il serait «bien» le capitaine Rachid Hassani. L'affirmation est appuyée mais un petit doute subsiste : le témoin demande quand même une confrontation directe avec le diplomate. Le 27 septembre 2008, le même témoin, visionnant des images de la chaîne FR3 déclare, un tantinet péremptoire : «Il a perdu un peu de ses cheveux, mais c'est lui, il n'y a pas de doute.» «Même de dos», lui rétorqua le journaliste ? «Ah oui, même de dos», fusa la réponse. Mais encore une fois, après l'affirmation survient le doute. Il demande de nouveau une confrontation avec le diplomate, laquelle n'a pas encore eu lieu. Et, du doute à la rétractation, il y a un pas que le témoin aurait finalement franchi. Selon Me Jean-Louis Pelletier, avocat de Hasseni, l'ex-commandant Mohamed Samraoui a «disculpé» le diplomate «dans cette histoire d'identification de ce Rachid Hassani qu'il n'a pas reconnu en mon client». Dans cette affaire, le juge n'a pas pris en compte le témoignage d'un autre ancien officier des services algériens, Hichem Abboud, qui, lui, n'a jamais confondu Ziane Hasseni avec Rachid Hassani qu'il connaît bien car originaire comme lui d'une ville de l'Est algérien. Dans ce dossier qui aurait pu être vaudevillesque s'il n'était dramatique, la défense de Hasseni voit aujourd'hui plus clair : la thèse de l'homonymie et de la méprise judicaire est plus que jamais solide ; le témoignage à la base de l'accusation s'est avéré bancroche et l'accusé, une fois passée la phase d'humiliation, d'indignation, de colère et de repli sur soi, a accepté de se soumettre au test salivaire qui va l'innocenter. Sa défense en a foi et certitude. N. K.