Il y aura donc un second tour entre Abdoulaye Wade et Macky Sall aux présidentielles du Sénégal. Les Sénégalais seront encore une fois appelés, le 25 mars prochain, à départager les deux candidats toujours en lice, dans une élection qui aura suscité la controverse et fait entrer le pays dans une période d'instabilité manifeste. La contestation violente de la candidature d'Abdoulaye Wade fait toujours craindre le pire pour le Sénégal, il y a peu d'exemples en matière de transmission pacifique de pouvoir en Afrique. Après des mois de tension, le président sortant est allé au bout de son intransigeance et de sa volonté d'être candidat, pour un troisième mandat consécutif malgré le risque d'un tel choix. Mais ce passage à un deuxième tour qu'il n'aurait pas prévu, reste en soi un échec pour le vieux. L'incertitude sera cependant de mise quant au résultat final. Arrivé en tête du scrutin, Abdoulaye Wade est crédité de 32% des voix talonné de près par Macky Sall avec 26%. Pourtant Wade avait promis à ses partisans de passer haut la main dès le premier tour. Une «pure ruse politique» pour déstabiliser ses adversaires, disent certains analystes. Un signe de l'affaiblissement du «système» Wade, selon d'autres. Dans un contexte politique extrêmement tendu, ce deuxième tour sera indéniablement crucial pour la vie politique au Sénégal. Il pourrait sonner le glas des années Wade et ouvrir une phase nouvelle. Ou plutôt perpétuer un statu quo aux implications futures incertaines. Serait-ce la fin de la carrière politique du maître du Sopi (changement en wolof), ou un nouveau départ avec un président plus jeune ? L'issue du second tour devrait reposer sur les résultats des tractations et alliances politiques en cours. Le destin des deux candidats au second tour, Abdoulaye Wade et Macky Sall, se jouera le 25 mars prochain. Pour le président sortant, les complications ont déjà commencé. Les principaux candidats de l'opposition (Idrissa Seck de Rewmi, Moustapha Niasse de Bennoo Siggil Senegaal, Tanor Dieng du PS, Cheick Tidiane Gadio) ont tous déclaré qu'ils se démarqueraient de la candidature de Wade. Ces annonces sont conformes à l'attitude de ces hommes politiques qui, des mois durant, se sont indignés contre la candidature de Abdoulaye Wade jugée anti-démocratique. Cependant, le président sortant reste un fin politique. Son camp compte largement mobiliser les abstentionnistes. En effet, ils n'étaient que 51,58% à se déplacer aux urnes au premier tour. Loin des 70% de 2007. Les observateurs avancent comme explications à cette défection manifeste la violence de la campagne électorale marquée par la focalisation sur la candidature de Wade. «Ce climat a démobilisé une partie de l'électorat qui redoutait soit des violences le jour du vote ou alors qui a préféré observer une forme de boycott pour protester contre Abdoulaye Wade.» Le Sénégal est au bord d'une transition démocratique cruciale pour son avenir politique. Après avoir verrouillé la Constitution en limitant le nombre des mandats, le vieux patriarche, sans doute pour se venger des réfractaires au nouveau rôle politique de son fils Karim, a décidé de la «déverrouiller». La candidature du vieux a été validée dans un coup de force constitutionnel patent mais qui a néanmoins ouvert la voie à la contestation. Le scrutin présidentiel se tient toujours dans un climat de tension palpable et le Sénégal risque fortement de glisser vers des scénarios détestables. Chose inimaginable il y a encore dix ans, le pays de Senghor n'est plus à l'abri de l'intrusion des militaires dans le jeu politique. Une «évolution» qui entretient les instabilités chroniques dans beaucoup de pays voisins. Le 25 mars prochain, Abdoulaye Wade pourrait succéder à lui-même, le président sortant s'appuyant sur des clientèles et des soutiens largement favorables à sa réélection. L'éventualité pourrait cependant briser une tradition sénégalaise bien établie. Celle où les présidents savent tirer leur révérence à temps et prendre une retraite respectable. Le Sénégal risquerait alors d'entrer dans une période de turbulences où une partie des jeunes se sentirait flouée par un système qui ne l'écoute plus. Le Sopi, slogan triomphale de Wade il y a plus d'une décennie, pourrait alors prendre une traduction moins heureuse pour la stabilité du pays. M. B.